Après Christophe la semaine dernière, c’est au tour d’un ressortissant comorien de témoigner des mauvais traitements infligés aux personnes sans domicile fixe par le « 115 ». Arrivé en France en 2003 et à Poitiers en 2012 pour se marier à une comorienne, appelons-le Akim, a commencé à travailler en 2013 quand il a eu son récépissé de 3 mois avec autorisation de travailler. Le 8 août 2013, il se sépare avec sa femme et se retrouve à la rue. Il subit depuis les conditions d’accueil indignes et illégales du « 115 ».
D’abord, malgré la loi qui y oblige, l’accueil inconditionnel n’est pas assuré à cause du manque de places – dû à la volonté des pouvoirs publics préfecture en tête d’entretenir la pénurie– des personnes seules et des familles se retrouvent régulièrement à la rue. Et, si les femmes et les enfants sont à peu près toujours accueillis – et ce depuis que le Dal86 a dénoncé ces violations de la loi -, les hommes « tournent » c’est-à-dire ne sont hébergés qu’une nuit sur deux ou trois, voire qu’une nuit par semaine ou tous les 10 jours, hiver comme été. Akim subit ce traitement indigne depuis un an. Dernièrement, malgré qu’il téléphone tous les jours au 115, sur 12 nuits, il n’a été hébergé que 5 fois : Jeudi 24, mercredi 23, dimanche 20, jeudi 17, dimanche 13.
Ensuite, malgré la loi qui prévoit un « accueil digne », les locaux du CHUS (Centre d’Hébergement d’Urgence Sociale) sont vétustes et inadaptés. Le gestionnaire pour l’Etat, la Croix Rouge, impose une vie en dortoirs, les hommes d’un côté, les femmes et les enfants d’un autre. Malgré la loi qui prévoit un accueil continu, excepté le week-end, les personnes et les familles doivent sortir à 11h le matin et ne pas y revenir avant 17h (16h en période de grand froid) et pas après 20h30. Et le règlement est draconien, il n’est pas rare d’être puni à rester à la rue ou à faire des réparations. Malgré la loi qui, outre le gîte et l’hygiène, prévoit le couvert, il n’y a pas de repas servis le soir ni a fortiori le midi, simplement un tout petit peu de nourriture donnée, et les résidents ont interdiction de se faire à manger même pour leurs petits enfants et de laver leur linge. Malgré la loi qui prévoit « une première évaluation médicale, psychique et sociale, réalisée au sein de la structure d’hébergement ou, par convention, par des professionnels ou des organismes extérieurs » et une première orientation « vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état », un accompagnement personnalisé et une seconde orientation « vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation » les personnes et les familles sont livrées à elles-mêmes et il n’est pas rare que des familles subissent ces mauvais traitements durant deux longues années, voire trois ans.
L’indignité et les carences calculées du CHUS s’ajoutent à l’impuissance du SIAO, au défaussement du social sur le caritatif, mais aussi à la violation des droits élémentaires des personnes, aux discriminations, aux procédures administratives ubuesques, à la mauvaise volonté de la préfecture et au « dysfonctionnements » de ses services, et, pour être sûr de son succès l’appareil d’Etat organise la répression, le torpillage des associations de soutien et d’accompagnement, la désactivation des services sociaux… L’indignité et les carences calculées du CHUS participent donc à l’entreprise de dissuasion et d’intimidation des migrants et autres indésirables. Le but des autorités (préfecture-mairie-conseil général) étant de démolir les personnes, les couples et les familles afin qu’ils quittent Poitiers d’eux-mêmes et que d’autres ne soient pas tentés de venir.
La préfecture et la Croix Rouge savent très bien qu’Akim est en situation irrégulière. Elles savent parfaitement que, contrairement à Thomas ou à Christophe, il ne pourra pas saisir le tribunal administratif [VOIR l’ignominieuse Ordonnance du Conseil d’Etat du 4 juillet 2013 en particulier le 4ème considérant]. Sur Poitiers il s’est même trouvé que cela n’a même pas été débattu par le tribunal administratif qui, bafouant les droits de la défense, a dû contacter la préfecture qui l’a informé que le requérant était en situation irrégulière, autrement comment aurait-il connu la situation administrative de la personne puisque ce n’est quand même pas son avocat qui l’a dit ! Cette personne a tenté d’aller en cassation, délais : un an et demi ! Pas mal pour une personne en urgence qui était en train de crever la gueule ouverte. De toute façon, il n’a même pas obtenu l’aide juridictionnelle ! Il a depuis été expulsé en Arménie laissant en France ses 3 enfants et sa femme dont il était séparé. VOIR : POITIERS Hébergement d’urgence refusé : pas de carence de l’État NR 19/04/2013
Il n’en est pas de même avec Christophe comme, il y a quelques semaines avec Thomas [VOIR : Une solution vite trouvée pour Thomas !], Christophe et Thomas sont de nationalité française. Comme les étrangers en situation irrégulière, ils ont droit a l’inconditionnalité et à la continuité de l’accueil d’urgence c’est-à-dire que c’est illégal qu’ils soient à la rue une nuit sur 4 ou 5 voire sur dix. Mais contrairement aux migrants ce droit est pour eux opposable à la préfecture qui a toutes les chances d’être condamnée si elle ne les héberge pas ou ne leur trouve pas rapidement une solution plus pérenne. La préfecture s’est dépêchée de trouver une solution pour Thomas, en 7 jours ! Pour Christophe, c’est en cours. Les lettres ont été faxées et envoyées en recommandé il y a 3 jours, mardi dernier 22 juillet, et si la préfecture n’a pas trouvé une solution pérenne lundi, un référé liberté sera déposé auprès du Tribunal Administratif.
Akim, lui n’aura pas cette chance. Lorsqu’il n’a pas de place au CHUS, il va rejoindre dans l’un des squats de la ville qui sert de 115 Bis, les autres hommes qui « tournent ».
DAL86 – dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56
Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers
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