115 de Poitiers : « Peut-être il y aura une place demain, mais ce n’est pas sûr » !

Droit Au Logement Vienne (86)

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Christophe, sans abri et en détresse est arrivé à Poitiers dimanche 13 juillet dernier. Il a téléphoné au 115 et on lui a répondu qu’il n’y avait pas de place, qu’il y en aurait peut-être une mardi 15 ou mercredi 16 suivants, sans garantie. Qu’il y avait toujours la possibilité de manger si on appelait le Samu Social. Christophe a donc appelé le 115 lundi 14, mardi 15, mercredi 16 et jeudi 17. Le standardiste lui a répété à chaque fois qu’il n’y avait pas de place pour lui.

Christophe a rappelé le 115, jeudi 17 vers 18h en présence de trois membres du DAL86 qui peuvent en témoigner. Le standardiste a été très clair, il lui a dit : « il n’y a pas de place monsieur. Peut-être il y aura une place demain, mais ce n’est pas sûr ». Christophe est resté et a couché toutes ces nuits dehors.

Christophe a téléphoné au 115 vendredi 18 vers 10h. La standardiste lui a dit que c’était bon pour ce soir mais seulement  pour une nuit, et qu’il fallait qu’il se présente à 18h. Il y est allé à 18h et quand il est arrivé, il a parlé avec les personnes qui l’ont reçu. Il leur a demandé pourquoi alors qu’il est domicilié à la Croix Rouge sur Poitiers et qu’il est en démarche administrative ici, il n’avait une place que pour une nuit et ne pouvait pas rester dans la continuité. Elles lui ont répondu que c’était juste pour une nuit, qu’il avait de la chance, qu’il tombait dans une bonne période parce qu’il y a eu beaucoup de gens qui sont partis. Avant ils étaient vraiment pleins et c’était une nuit tous les 10 jours et que maintenant c’est une nuit tous les 3, 4 jours. Les personnes qui l’ont reçu lui ont demandé s’il avait vu un travailleur social sur Poitiers, il a dit non, et elles lui ont répondu qu’elles allaient voir pour qu’il rencontre une assistante sociale de la Croix Rouge.

Le lendemain samedi 19, Christophe est parti du CHUS le matin et a appelé le 115 à 15h en présence d’un membre du Dal86 qui peut témoigner. Le standardiste lui a répondu qu’il n’y avait pas de place pour lui. Christophe lui a demandé s’il pouvait venir de 18h à 21h pour boire un café et se reposer. Il lui a dit que oui. Christophe y est allé et a quitté le CHUS à 21h pour dormir dans la rue.

Christophe a appelé le 115 dimanche 20 à 15h. Le standardiste lui a dit : « c’est bon il y a de la place pour vous ». Il y est allé à 18h.

Christophe est parti du CHUS lundi matin et a appelé le 115 à 15h. La standardiste lui a dit « ce soir il n’y aura rien ». Vers 17h45, un travailleur social de la Croix Rouge lui a téléphoné pour lui proposer un rendez-vous le lendemain à 11h. Christophe a couché à la rue une nouvelle nuit.

Mardi 22 juillet 11h, Christophe a été reçu par le travailleur social de la Croix Rouge. L’entretien a duré 1h et a été très constructif. Sauf concernant son hébergement d’urgence. Le travailleur social a dit à Christophe que ça n’allait pas être possible de rester au CHUS en permanence tous les soirs, parce qu’il y a beaucoup de demandes et qu’ils sont obligés de faire tourner les gens. Il n’y a que les femmes et les enfants qui restent en permanence, les hommes célibataires, « on est obligé de les faire tourner, on n’a pas le choix ». Christophe lui a répondu que vu qu’il était en démarche et domicilié sur Poitiers, et dès qu’il avait été hébergé une nuit, ils n’avaient pas le droit de le remettre à la rue. Ils lui ont répondu qu’ils n’avaient pas le choix et qu’ils ne faisaient qu’appliquer les décisions de la préfecture.

Cinq nuits à la rue, une nuit au CHUS, une nuit à la rue, une nuit au CHUS, une nuit à la rue, une nuit au CHUS, quelle maltraitance ! Pourtant, la loi est très claire : non seulement « Toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès, à tout moment, à un dispositif d’hébergement d’urgence » (Code de l’Action Sociale et des Familles, article L345-2-2) mais « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé et y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite, jusqu’à ce qu’une orientation lui soit proposée. Cette orientation est effectuée vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation ». (Code de l’Action Sociale et des Familles, article L.345-2-3)

Ce qui est confirmé dans une ordonnance du 11 janvier 2013, le tribunal administratif a reconnu le « droit au maintien » de la personne dans une structure d’hébergement comme liberté fondamentale, permettant de saisir le juge administratif en urgence dans le cadre d’une fin de prise en charge. Le juge a enjoint au Préfet de proposer une orientation à la personne vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation, comme le prévoit la loi (article L. 345-2-3 du Code de l’action sociale et des familles). TA Paris, 11 janvier 2013, n°1300311/9.

Et la préfecture le sait très bien. La préfecture connaît très bien les lois et joue avec elles et avec les personnes en état de grande précarité. La préfecture sait très bien qu’elle ne sera jamais condamnée par un tribunal administratif complice, si la personne laissée à la rue est en situation irrégulière [VOIR l’ignominieuse Ordonnance du Conseil d’Etat du 4 juillet 2013 en particulier le 4ème considérant]. Sur Poitiers il s’est même trouvé que cela n’a même pas été débattu par le tribunal administratif qui, bafouant les droits de la défense, a dû contacter la préfecture qui l’a informé que le requérant était en situation irrégulière, autrement comment aurait-il connu la situation administrative de la personne puisque ce n’est quand même pas son avocat qui l’a dit ! Cette personne a tenté d’aller en cassation, délais : un an et demi ! Pas mal pour une personne en urgence qui était en train de crever la gueule ouverte. De toute façon, il n’a même pas obtenu l’aide juridictionnelle ! Il a depuis été expulsé en Arménie laissant en France ses 3 enfants et sa femme dont il était séparé. VOIR : POITIERS Hébergement d’urgence refusé : pas de carence de l’État NR 19/04/2013

Avec Christophe comme, il y a quelques semaines avec Thomas [VOIR : Une solution vite trouvée pour Thomas !]  , c’est une autre paire de manches. Christophe est de nationalité française. Comme les étrangers en situation irrégulière, il a droit a l’inconditionnalité et à la continuité de l’accueil d’urgence c’est-à-dire que c’est illégal qu’il soit à la rue une nuit sur 4 ou 5 voire sur dix. Mais contrairement aux migrants ce droit est pour lui opposable à la préfecture qui a toutes les chances d’être condamnée si elle ne l’héberge pas ou ne lui trouve pas rapidement une solution plus pérenne.

Dernière question pourquoi la préfecture joue-telle avec le feu et risque-t-elle de perdre un procès ? Au fond ce n’est pas si risqué puisque le Tribunal administratif ne peut qu’enjoindre à la Préfecture de faire son travail sans plus de pénalités. C’est encore une façon de faire des économies sur le dos de personnes en état de fragilité car toutes les personnes en situation régulière ne se pourvoient pas au tribunal administratif, donc économies pour la préfecture et lorsqu’elles le font, la préfecture négocie éhontément avec son complice le Tribunal administratif. C’est ce qui s’est passé dans cette affaire jugée le 12 février dernier ou un couple de ressortissants congolais demandeurs d’asile étaient, en contradiction flagrante avec le droit, hébergés au CHUS (115) dans les conditions précaires que l’on sait en particulier pour le mari qui devait « tourner » avec les autres hommes. Lors de l’audience l’avocat de la préfecture a proposé une solution dans le CADA d’un autre département et donc le juge administratif a ordonné qu’il n’y avait pas à statuer sur la requête de ces personnes…. Si les personnes ont été rétablies dans leur droits, la préfecture n’a donc pas été condamnée !

DAL86dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56
Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

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