Monsieur le directeur général
Croix Rouge Française
98 rue Didot
75694 PARIS CEDEX 14
Poitiers, le 20 septembre 2013
Par lettre recommandée avec accusé de réception
Copie à madame la préfète de région Poitou-Charentes, monsieur le directeur de la Croix Rouge – Poitiers, monsieur le directeur de l’OFII-Poitou-Charentes, monsieur le directeur général de l’OFII, madame la présidente du conseil régional, monsieur le président du conseil général, monsieur le maire de Poitiers, madame la ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement, monsieur le ministre de l’Intérieur, monsieur le défenseur des droits, monsieur le président de la FNARS.
Monsieur,
Suite à votre courrier du 26 juillet 2013demandant un droit de réponse à notre article du 24 juillet : Le 5 septembre prochain : la Famille M. expulsée de son logement par la Croix Rouge !
D’abord, il est acquis depuis longtemps que la préfecture de la Vienne fait pression sur les associations en les menaçant de sanctions financières, que ce soit sur la Croix Rouge concernant la sortie d’HUDA (Hébergement d’Urgence des Demandeurs d’Asile) ou de CADA (Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile) des familles de demandeurs d’asile déboutés – nous savons par ailleurs que la Croix Rouge a perdu une quarantaine de places HUDA du foyer de la Blaiserie au profit de COALLIA, un autre opérateur social – ou sur d’autres associations tel par exemple le Centre Socioculturel des 3 Cités en 2009 concernant entre autres la Fête la fin de Ramadan ou le CLAS (Contrat Local d’Accompagnement à la Scolarité). C’est un secret de polichinelle. Il ne faut pas être naïf, les institutions qui donnent les subventions, préfecture, municipalité, CAF… s’en servent aussi pour faire un chantage pour faire obéir servilement les associations. Pourquoi croyez-vous que l’un des membres du Dal86, président du Centre Socioculturel des 3 Cités, en a démissionné voilà deux ans si ce n’est parce que la préfecture et la municipalité lui faisaient un tel chantage aux subventions ? Pourquoi croyez-vous que le Dal86 ne souhaite percevoir aucune subvention quitte à avoir un budget annuel de seulement 805,56€ et une centaine d’euros actuellement en caisse ?
Maintenant, concernant la Croix Rouge c’est un peu différent puisque, c’est vous qui le dites, les « obligations contractuelles » que vous avez avec la préfecture vous forcent à ne pas respecter les lois.
D’abord concernant ce que vous écrivez : « Faute de solution, la Crf, dans le respect de la loi a décidé de saisir le juge civil, gardien des libertés individuelles, en lui soumettant la question de droit suivante : faut-il faire prévaloir les disposition de l’article L. 345-2-2 du code de l’action sociale et des familles sur l’inconditionnalité de l’accueil qui dispose : « toute personne sans abri en situation de détresse médicale, psychique et sociale a accès à tout moment à un dispositif d’hébergement d’urgence », ou le respect des engagements contractuels entre la Crf et l’Etat est-il supérieur ? »
Nous ne comprenons pas bien. Est-ce que vous faîtes référence là au fait de traîner la famille M. devant le Tribunal d’Instance en vue de l’expulser ou bien avez-vous saisi le juge civil une autre fois précisément dans le cadre que vous indiquez ? Car concernant l’assignation au Tribunal d’Instance des époux M., elle ne s’est absolument pas faite dans les termes que vous indiquez. Il n’est fait référence qu’à leur maintien dans un logement HUDA après avoir été déboutés de leur demande d’asile sans référence aucune à l’inconditionnalité de l’accueil. Et pour cause, car la Famille M. n’est pas dans ce logement en situation d’urgence puisqu’elle a un toit.
Le juge d’instance n’a pas jugé l’alternative que vous indiquez : inconditionnalité de l’accueil / respect des engagements contractuels avec l’Etat, mais la légalité du maintien de la famille M. dans un logement HUDA alors qu’il ont été déboutés de leur demande d’asile, et ce, sans tenir compte du reste, en particulier du fait que la Croix Rouge est omniprésente dans ce dossier puisque c’est elle qui demande l’expulsion de la Famille M. du logement HUDA qu’elle gère ET c’est elle qui gère le 115, le CHUS (Centre d’Hébergement d’Urgence Sociale) et surtout le SIAO (Système Intégré d’Accueil et d’Orientation) et qui aurait donc dû trouver une solution alternative…
Ce n’est donc pas non plus l’alternative : orientation vers un logement / respect des engagements contractuels de la Croix Rouge avec l’Etat qui a été jugé puisque le juge d’instance a ordonné que « Dès le commandement d’avoir à libérer les locaux, l’huissier de justice chargé de l’exécution de la mesure d’expulsion doit en informer le représentant de l’Etat dans le département en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées prévu par la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du logement ».
Or, savez-vous quelle suite a été donnée ? AUCUNE et pour cause là aussi. Car dans les dossiers de cette sorte, c’est la Croix Rouge elle-même, mandatée par la préfecture pour gérer le SIAO, qui devrait s’occuper de leur trouver une solution. Or, malgré ce que vous clamez haut et fort : que la Croix Rouge « a délibérément poursuivi sa prise en charge sociale, sans que rien ne l’y oblige », aucun dossier SIAO n’a été fait par la Croix Rouge suite à l’ordonnance du juge. C’est la famille elle-même sur les conseils du Dal86 qui est allée voir une assistante sociale du conseil général avec l’ordonnance d’expulsion pour lui demander ce qu’elle pouvait faire pour eux. Cela a été épique et a montré le désarroi non seulement des personnes qui se trouvent dans cette situation difficile mais aussi de l’assistante sociale. D’abord, elle ne voyait pas du tout ce qu’elle pouvait faire pour cette famille. Lorsqu’elle a vu qu’elle était expulsée par la Croix Rouge d’un logement de la Croix Rouge, elle a demandé pourquoi la Croix Rouge ne s’en chargeait pas. On lui a répondu : à votre avis ? Vous voyez bien que la Croix Rouge dans cette affaire est juge et partie, quelle gère le SIAO et n’a pas proposé de faire un dossier SIAO. Et quand on lui a demandé si elle pouvait, elle, le faire au moins, elle nous a dit qu’elle allait le faire mais qu’elle n’avait pas à être une gratte papiers.
Le dossier SIAO a été présenté à la commission du 6 août et, comme il fallait s’y attendre, a été refusé. La Croix Rouge qui gère aussi le SIAO est « dans l’impossibilité de proposer une orientation et ce faute de place adaptée à leur situation ». Cela laisse dubitatif. Une famille avec deux enfants de 9 et 11 ans risque de se retrouver à la rue et il n’y pas de « place adaptée à leur situation ». La Croix Rouge n’aurait-elle pourtant pas des engagements contractuels avec l’Etat qui la forceraient à trouver une telle place « adaptée à leur situation » ?
Mais vous écrivez : « la Crf a interrogé l’ensemble des partenaires associatifs locaux afin de trouver une solution de relogement, malheureusement sans effet. Elle n’a pas pu en conséquence que proposer une solution de relogement précaire par le biais du 115, solution qui a été refusée par la famille M. Vous n’êtes pas sans ignorer [sans savoir?] la situation dramatique du logement dans le département de la Vienne. Aussi, je trouve de particulière mauvaise foi le fait de rejeter cet état de fait sur notre association. Nous restons bien entendu à l’écoute de toute solution de logement que vous préconiserez ».
De qui vous moquez-vous ? Avec 20 923 logements vacants en 2007 dans le Vienne et 4 448 en 2009 à Poitiers, le logement pourrait se porter bien dans la région. Le logement social n’est pas non plus en tension. Ce sont précisément l’hébergement d’urgence et social et le logement des migrants qui sont dans une « situation dramatique », situation dramatique créée de toutes pièces par la préfecture avec le concours des associations telles que la vôtre. Quant à une solution de logement que nous pourrions préconiser, nous vous rappelons que le CHUS que vous gérez contient 25 places, et que les trois gros squats hébergent une centaine de personnes. Bien plus, il est indéniable que le squat l’Etape fait fonction de CHUS bis, par exemple les pères de familles qui « tournent » c’est-à-dire qui sont virés du CHUS 4 jours sur 5, viennent au squat durant ces jours et leur femmes viennent les y rejoindre la journée avec leurs enfants.
Pour en revenir à la Famille M. pourquoi une solution SIAO leur a-t-elle été refusée si ce n’est parce qu’elle est en situation irrégulière ? Pourquoi ne pas dire que là-aussi « contractuellement » la préfecture force la Croix Rouge à ne pas donner de solution pérenne d’hébergement ou de logement aux personnes en situation irrégulière ? Pourquoi ne pas dire qu’il n’y a d’ailleurs aucune orientation du SAIO vers un logement pérenne ? Pourquoi ne pas dire que là-aussi « contractuellement » la préfecture force la Croix Rouge à ne pas respecter les engagements du Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées du département la Vienne 2012 – 2016 : « La loi va désormais plus loin en préconisant l’accompagnement d’une part, et une proposition d’hébergement ou de logement, plutôt qu’une simple orientation, d’autre part. La mise en œuvre de la stratégie du « logement d’abord» suppose ainsi le décloisonnement des politiques du logement et de l’hébergement, identifiées comme complémentaires » ?
Pourquoi ne pas dire que là-aussi « contractuellement »la préfecture a forcé la Croix Rouge à ne pas trouver de solution préventivement pour la Famille M. ? Au lieu de les convoquer à répétition pour leur demander de partir en les menaçant d’appeler la police, ou de trouver une solution par eux-mêmes, pourquoi la Croix Rouge, omniprésente dans cette affaire puisque, rappelons-le encore, elle gère le 115 et le SIAO, le CHUS et des logements HUDA et CADA, n’a-t-elle pas fait à cette famille une « proposition d’hébergement ou de logement » et mis « en œuvre la stratégie du « logement d’abord » » ? Est-ceà dire que là-aussi « contractuellement » la préfecture a forcé la Croix Rouge à ne pas le faire ?
Pourquoi enfin ne pas dire que là-aussi « contractuellement »- et cela dépasse la situation de la Famille M. – la préfecture force la Croix Rouge à organiser la pénurie des places d’urgence, l’inexistence de l’accompagnement social et de l’orientation vers un hébergement ou en logement stable et l’indignité du CHUS afin de dissuader les indésirables, en particulier les personnes en situation irrégulière de rester ici et les demandeurs d’asile de venir ?
En effet, malgré ce que prévoit la loi, l’accueil inconditionnel n’est pas assuré à cause du manque de places – des personnes seules et des familles se retrouvent régulièrement à la rue. Nous pouvons lire dans le Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes Défavorisées du département la Vienne 2012 – 2016, « au 31 août 2010, la synthèse régionale des PDAHI réalisée en Poitou-Charentes fait apparaître le bilan quantitatif suivant pour le département de la Vienne : Urgence : 39 places installées, dont 30 en CHRS ». Nous savons qu’il y a aujourd’hui 25 places au CHUS et 2 places au foyer Carrefour. Alors que la pauvreté a nettement augmenté, le nombre de places d’hébergement d’urgence a baissé. Cherchez l’erreur ! Quoi qu’il en soit, il y a des venues incessantes de personnes et de familles au squat de l’Etape, le 115 bis, 2 dossiers en moyenne par semaine.
Non seulement l’accueil inconditionnel n’est pas respecté mais, malgré la loi qui prévoit un « accueil digne », les locaux du CHUS sont très vétustes et la vie en dortoirs sépare les couples et les familles. Malgré la loi qui prévoit un accueil continu, les personnes et les familles doivent sortir à 10h30 le matin et ne pas y revenir avant 16h15 et pas après 21h, et, malheur à vous si vous arrivez quelques minutes en retard car vous serez puni. C’est arrivé à une mère de famille avec deux enfants hébergée depuis plusieurs mois au CHUS. Comme elle est arrivée 4 fois en retard (seulement de moins d’une demie heure !), elle a été condamnée à coucher dans la rue durant 3 nuits ! La Croix Rouge a fait toutefois preuve d’humanité puisque le père qui tournait comme tous les autres hommes, c’est-à-dire qui n’était hébergé qu’un jour sur 3 voire qu’un jour par semaine, a été hébergé continuellement ces 3 nuits pour s’occuper de ses enfants… Cette mère de famille n’a toutefois pas couché dans la rue, elle est venue prendre la place de son mari au squat l’Etape – le 115bis…
Malgré la loi qui, outre le gîte et l’hygiène, prévoit le couvert, il n’y a pas de repas servis le soir ni a fortiori le midi et les résidents ont interdiction de se faire à manger même pour leur petits enfants et de laver leur linge. Malgré la loi qui prévoit une première orientation « vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état », un accompagnement personnalisé et une seconde orientation « vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adaptés à sa situation » les personnes et les familles sont livrés à elles-mêmes et il est certain que des familles subissent ces mauvais traitements durant 2 longues années, voire 3 ans.
Quelques exemples parmi tant d’autres :
– Le 22 décembre 2012 au milieu de l’après-midi trois familles Roms roumaines en détresse, une mère et sa fille de 13 ans, un couple avec un enfant de 9 mois et un autre couple dont la femme de 18 ans était enceinte de 3 mois, en présence de membres du Dal86 qui peuvent en témoigner, ont appelé le 115. La personne du standard du 115 a pris leurs noms et leur a dit qu’il n’y avait pas de place. L’un des militants du DAL86 a alors pris le téléphone et a insisté en appuyant sur le fait qu’il y avait un enfant de 9 mois, un autre de 13 ans et une femme enceinte qui étaient à la rue. La personne du standard du 115 a alors répondu qu’elle allait se renseigner et qu’il fallait rappeler dans une heure. Quand les personnes ont rappelé, la personne du standard du 115 leur a dit qu’il y avait des places mais à 20 km de Poitiers… Nous savons aujourd’hui que c’était à Vivonne. Comment d’ailleurs auraient-ils pu s’y déplacer ? Nous apprendrons plus tard que ces familles percevaient les 250€ de l’ASE et étaient donc, à défaut d’être suivies, bien connues des services sociaux.
– David V. est un sans logis qui a été hébergé par le 115 la nuit de samedi 19 janvier à dimanche 20 janvier 2013 à l’hôtel Ibis à Beaulieu et la nuit de dimanche 20 à lundi 21 janvier à l’hôtel Terminus à la gare. Lundi 21 janvier, il a appelé le 115 qui lui a dit qu’il n’y avait plus de plan grand froid et que donc il n’aurait pas d’hébergement. Quelqu’un du Tourniquet a même pris le téléphone et a insisté. Mais le 115 n’a rien voulu savoir. Quelques heures après quelqu’un du Relais Charbonnier à téléphoné et a insisté mais ce fût là aussi en vain. Ensuite, David V. a téléphoné au 115 entre 14h et 15h mardi 22, mercredi 23 et jeudi 24 janvier, et à 16h43 samedi 25 et ça a été très bref : on lui a dit qu’il n’y avait pas de place. Il faut dire aussi que même s’il y avait une place, David V. n’aurait pas pu en bénéficier puisqu’il a un chien et que le règlement du CHUS l’interdit. C’est très commode pour refuser les SDF.
– Une famille géorgienne avec une petite fille de 2 ans et demi née en France et dont la mère est aujourd’hui enceinte ont été hébergés au CHUS de Poitiers depuis février 2011 soit durant presque deux années dans les conditions que l’on sait. Le père a été expulsé en septembre 2012 vers la Géorgie. Le Toit Du Monde a trouvé une solution d’hébergement à la mère et la fille dans la communauté des Sœurs de Salvert en janvier 2013. Ils en ont été expulsés dès que le père est revenu en France, mi mars et devaient en partir le 29 mars. Mais malgré leurs démarches, ils n’avaient aucune solution pour se loger. Avec en tout et pour tout 250€ de revenus mensuels, ils n’arrivaient pas à trouver un logement dans le privé et n’avaient pas droit à un logement social. Quelqu’un de la Croix Rouge, qui a bien pris contact avec le 115 (géré rappelons-le par la Croix Rouge), leur a dit qu’il n’y avait pas de place et Emmaüs Naintré ne pouvait pas, non plus, les héberger. Ils sont effectivement partis de leur hébergement de Salvert, vendredi 3 avril lorsque la Croix Rouge leur a trouvé une place au CHUS. Mais devant l’indignité de l’accueil au CHUS et parce qu’ils avaient dû subir ce traitement déjà deux longues années, ils ont préféré ne pas y retourner. Ils sont allés vivre chez des amis où les conditions, même si elles ne permettaient pas une vie décente, étaient infiniment meilleures qu’au CHUS. Mais leur présence compliquait grandement la vie de leurs amis et ils ont dû en partir. Fin avril, ils étaient à la rue. Le 115 refusant de les accueillir puisqu’ils avaient refusé une place le 3 avril, et ayant eu connaissance du squat l’Etape, ils sont venus s’y mettre à l’abri. Ils y demeurent depuis. VOIR.
– Une famille arméno-azérie avec une petite fille de quatre ans, arrivée en France en 2008. D’abord à Angoulême où leur fille est née et où ils sont restés 6 mois. Ils ont fait leur demande d’asile et ont été logés par le CHUS à l’hôtel puis après ont été hébergés par le CHUS dans un studio dans le château de Jarnac. Puis ils sont revenus au CHUS. Puis ils ont été transférés à Poitiers et hébergés au CHUS 4 mois, le temps que l’OFII trouve un logement CADA aux Trois Cités. Ils y sont restés un an puis ont dû en partir après le rejet de leur demande d’asile. Ils ont alors été hébergés au CHUS durant 3 mois. Puis la Croix Rouge les a hébergés dans un F3 durant sept mois avec une autre famille de trois personnes. La Croix Rouge leur a ensuite demandé de quitter ce F3 et ils sont repartis au CHUS. Après, une association caritative a trouvé une personne dans une ferme près de Civray pour les héberger mais il leur fallait travailler pour mériter de manger. L’association caritative a compris que ça n’allait pas, a provoqué une réunion et a dit qu’ils allaient trouver autre chose. Ils sont retournés au CHUS puis l’association caritative leur a trouvé une petite chambre chez les Sœurs de Salvert où ils sont restés six mois. Mais là aussi il fallait travailler pour manger, en particulier en gardant des moutons. Début janvier 2012 ils ont trouvé un studio à 250€ par mois + charges. Ils y sont restés quatre mois puis ont dû partir car ils n’arrivaient pas à payer. Sans solution d’hébergement depuis début mai 2012, le père a appelé le 115 le 19 février 2013 en présence de militants du Dal86, et là le standardiste a été très
clair :
« Non non il n’y a pas de place à Poitiers […] il y a plus de place déjà et puis il ne faut pas trop y compter, il n’y a que 3 places qui tournent pour les hommes donc on ne rajoutera pas de familles. Pour l’instant sur Poitiers on ne mettra pas de familles ». Et quand il a insisté en disant qu’il a une petite fille de quatre ans, il lui a répondu « Moi je n’ai rien à vous proposé sur Poitiers [.] Même quand il y a des enfants, ici il n’y a pas de budget, il n’y a pas de budget pour l’hôtel sauf s’il fait très très très froid, il y a un budget mais il n’y a pas de budget aujourd’hui... »
Ne voulant pas froisser la préfecture en faisant une procédure ou en venant habiter le squat l’Etape, ils vivent aujourd’hui dans une cave au loyer de 250€.
– Une autre famille arméno-azérie, avec deux enfants de 8 et 2 ans, qui est arrivée mardi 16 avril au squat de l’Etape, a été hébergée dans un premier temps par la Croix Rouge au CHUS « 115 ». Puis dans un appartement HUDA et lorsqu’elle a été déboutée de sa demande d’asile, la Croix Rouge lui a demandé de partir et l’a mise à l’hôtel. Puis, la Croix rouge leur a demandé de trouver quelque chose par eux-mêmes car il n’y avait pas de place au CHUS « 115 » – chose facile c’est sûr pour des personnes parlant et comprenant mal le français, – et de partir de l’hôtel vendredi 12 avril. Une place au CHUS « 115 » a malgré tout été trouvée à l’arrache la veille par la Croix Rouge après l’intervention du Dal86. Vu les conditions de vie lamentables au CHUS « 115 » et les maladies des enfants, la petite fille de 2 ans est épileptique et le garçon avait une grosse angine, la famille a laissé quelques affaires et est partie chez un ami à Saintes. Lorsqu’ils ont voulu revenir le mardi suivant, ils n’avaient plus de place au CHUS « 115 » et étaient à la rue. Heureusement alors qu’il y a eu le squat l’Etape pour les mettre en sécurité. Ils y demeurent depuis.
-Une sœur de 25 ans et son frère de 15 ans, demandeurs d’asile, arrivés à Poitiers le 22 mai 2013. L’OFII leur a donné un rendez-vous pour examiner leur situation presqu’un mois après, le 19 juin, et la préfecture plus d’un mois après, le 28 juin. Ils ont couché dans la rue durant 8 nuits et n’ont pas mangé durant 5 jours. Ils ont même passé plusieurs nuits sous la pénétrante devant le CHUS, et ce sur les « bons » conseils de ce dernier. Ils se sont même fait voler le peu d’affaires personnelles qu’ils avaient. Ils ont appelé le 115 tous les soirs et tous les soirs sauf un, ils ont été refusés faute de place. Car, puisque le frère était mineur et que sa sœur n’était pas son responsable légal, le CHUS disait ne pas pouvoir l’héberger. Et d’un autre côté l’Aide Sociale à l’Enfance refusait car le frère n’étant pas un mineur isolé, ils ne voulaient pas héberger la sœur. Le 30 mai sur demande de la Cimade, ils sont venus se mettre à l’abri au squat l’Etape où ils ont été pris en charge par les autres habitants. Ils y sont restés jusqu’à leur prise en charge par l’OFII, le 14 juin… VOIR
– Le 23 août, une mère de 24 ans, demandeuse d’asile, avec son enfant de 21 mois vient à la permanence du Dal86. Elle est à Poitiers depuis 3 mois, veut rester ici car son frère est là mais ils ne s’entendent pas et ne peut vivre chez lui. Son histoire : errance physique, psychique, maltraitances, viol ici à Poitiers (forcée de s’alcooliser, et violée, en présence de son fils ‘otage’), hospitalisation rapide au CHU. Elle perçoit l’allocation mensuelle de 250 euros par l’ASE.
Nous lui demandons de retéléphoner au 115, ce qu’elle fait, et se fait renvoyer « non il n’y apas de places » (dit plusieurs fois) ; un membre du Dal86 prend le téléphone et met le haut parleur, la scène est aussi filmée ; le 115 connaît la situation de cette dame, elle appelle plusieurs fois par jour, « nous ne pouvons rien faire, oui nous savons que c’est difficile » (et on le répète et répète encore et encore pas de places pas de places) Un signalement aurait été fait….Nous demandons à parler au responsable qui nous rappelle, « n’a rien à nous dire, à peur d’être enregistré. Il ne peut rien faire, rien, l’inconditionnalité de l’accueil ce n’est pas son problème ; la loi il n’y peut rien », le redit, lui aussi plusieurs fois ; nous expliquons que cette dame demande à aller dans le squat, ce même squat qui va être vidé bientôt car la Mairie a demandé l’expulsion…. ce squat décrié car considéré comme dangereux – à tort bien sûr-, voila où on en est aujourd’hui. Rien n’y fait, rien. C’est à « nous (bénévoles) d’héberger chez nous » dit –il. Son interlocuteur du Dal86 lui renverra cette répartie « et vous alors vous ne voulez pas ? Vous n’avez pas une grande maison ? ». Elle est restée quelques jours au squat l’Etape et a été rapidement prise en charge par l’OFII. VOIR
– Un homme seul, géorgien, arrivé à Poitiers le 21 juillet dernier, sur les conseils de la Croix Rouge, il est allé voir un médecin dès le lendemain au Relais Charbonnier où il a fait un malaise. Il a été amené par ambulance au CHU où il est resté jusqu’au mardi 30 juillet. Le 115 ne lui a proposé de place que le vendredi 2 août. Mais le samedi 3 août lorsqu’il a téléphoné comme demandé à 15h, la standardiste lui a dit qu’il n’aura pas de place pour le soir. Elle a même rajouté que comme il n’y avait pas de place pour tout le monde, les personnes devaient « tourner ». Malgré le fait qu’il a téléphoné tous les jours au 115, il n’a pas de place excepté jeudi 8 août, le 115 lui a proposé une place au foyer Carrefour géré par Audacia. I al « tourné » avec les autres hommes ayant une place au CHUS de temps en temps, vivant au squat l’Etape le reste du temps. Il est aujourd’hui pris en charge.
– Encore une autre famille arméno-azérie de 5 personnes composée d’un couple avec leur fils de 7 ans et les deux parents du mari, qui sont arrivés à Saintes, mercredi 7 août. Ils ont fait de suite le 115 et ont été pris en charge par la Croix Rouge qui a téléphoné à la préfecture où ils ont eu un rendez-vous le… 3 septembre à 10h30 et à l’OFII où ils ont eu un rendez-vous le… 4 septembre à 9h30. La Croix Rouge leur a payé des billets de train pour Poitiers où ils sont arrivés dans l’après- midi. Ils ont fait le 115 et comme il n’y avait pas de places, ils ont dormi devant le CHUS. Le lendemain ils sont allés au Relais Charbonnier qui les a logés à l’hôtel pendant quatre nuits, jusqu’au dimanche soir. Lundi, ils ont appelé le 115 et comme il n’y avait pas de places, ils ont dormi sur des chaises aux urgences du CHU. Mardi ils ont appelé au moins six fois le 115 et comme il n’y avait pas de places, ils s’apprêtaient à dormir une nouvelle fois devant, quand quelqu’un leur a indiqué la permanence du DAL86. Ils ont fait une nouvelle fois le 115 et comme il n’y avait pas de places, ils sont allés dormir au squat l’Etape. Mercredi ils sont allés accompagnés d’une adhérente de RESF86 à l’OFII pour leur exposer leur situation très difficile et afin d’obtenir un rendez-vous plus tôt. L’OFII a dit qu’ils ne pouvaient rien faire pour eux et de revenir le 4 septembre. Depuis cette date ils font tous les jours le 115 et comme il n’y a pas de places, ils dorment au squat l’Etape. VOIR
Pour vous répondre :
Vous dîtes que « l’article paru […] a profondément choqué l’équipe sociale de l’HUDA ». Sont-ils choqués de la sorte par tous ces traitements indignes voire inhumains qui bafouent les lois et les droits fondamentaux des personnes ? Vous continuez en écrivant : « Contrairement aux allégations portées, aucune menace n’a été proférée à l’encontre des membres de la famille ». Évidemment, c’est parole contre parole mais, d’après les époux M., la menace d’une expulsion illégale en faisant venir la police s’ils ne quittaient pas leur logement agrémentée de la référence à leur situation administrative irrégulière, à été récurrente. Madame M. nous a même raconté qu’un jour que le directeur de la Croix Rouge les avait menacés de faire faire venir la police, il y a un an, elle s’était mise à pleurer. A la suite de cette entrevue ils sont allés à un rendez-vous pour Monsieur M. chez un médecin qui, voyant les yeux de Madame M. rougis par les pleurs, lui a demandé ce qu’il n’allait pas. Elle n’a d’abord voulu rien dire. Puis devant l’insistance du médecin elle à expliqué pourquoi. Ce dernier a alors téléphoné au directeur de la Croix Rouge pour lui demander des explications, si c’était vrai que la Croix Rouge cherchait à expulser cette famille de son logement en la menaçant de faire venir la police. Le directeur de la Croix Rouge à nié et le médecin a dit aux époux M. qu’ils pouvaient se rassurer, la police ne viendrait pas.
Évidemment la Croix Rouge n’est pas la seule fautive dans ces histoires. Elle agit avec les autres opérateurs plus ou moins « sociaux »qui ne sont pas en reste sur les pratiques douteuses voire illégales : OFII, COALLIA, Audacia, mairie, conseil général, travailleurs sociaux, sous les ordres de la préfecture qui organise la machine à expulser, c’est-à-dire, rappelons-le une nouvelle fois, à broyer les indésirables afin de les dissuader de rester ici ou de venir. Mais que la Croix Rouge ne soit pas la seule fautive ne l’exonère toutefois pas de ses fautes.
Nous avons encore de multiples exemples et témoignages à vous relater.
Veuillez recevoir nos salutations distinguées,
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