Compte-rendu de la journée répressive du 14 juin 2012

Droit Au Logement Vienne (86)

Droit Au Logement Vienne (86)

La cabale qui a débuté mardi contre ceux qui sont appelés sans rire par les commerçants et la municipalité les « marginaux » et qui a suscité 3 articles stigmatisants dans la presse [1] [2] et [3], a connu jeudi 14 juin 2012 une journée répressive bien remplie.

D’abord, l’un des militants du DAL86, association qui soutient inconditionnellement ces « marginaux », militant ciblé depuis longtemps par les autorités qui semblent chercher par tous les moyens à le faire tomber, en particulier en le rendant responsable personnellement – puisqu’il est solvable et a un travail d’enseignant-, des actions du DAL86, a été convoqué en début d’après-midi par un officier de police judiciaire de la Brigade des accidents et délits routiers pour… les affaires du squat du 11 rue Jean-Jaurès (effraction avec dégradation et mise en danger de la vie d’autrui) et de tag (menace de mort envers le maire de Poitiers).

Rappelons que le DAL86 de par ses statuts est une association collégiale. Tous les adhérents sont donc administrateurs et les décisions se prennent en assemblées générales au consensus. Les actions sont donc menées par des membres mandatés qui ne sauraient être tenus responsables personnellement. Sur les faits reprochés mêmes, le DAL86 pense que c’est cousu de fils blancs. Le recours aux « dégradations » est une ficelle bien grosse pour faire passer une mise en cause relevant du Tribunal d’instance (civil) au Tribunal de Grande Instance (pénal). C’est-à-dire pour charger certaines personnes et essayer de les réprimer encore plus. En effet, occuper simplement un logement vacant lorsqu’on est sans logis n’est pas un délit. Par contre c’en est un s’il y a des dégradations. Le commissaire Siam lui même a témoigné que le DAL86 est rentré le 27 avril au 11 rue Jean-Jaurès par la porte ouverte. Et franchement, n’est-il pas aberrant de reprocher une quelconque dégradation des lieux alors que la propriétaire a laissé cet immeuble, possédant des éléments intérieurs remarquables, à l’abandon depuis 1998 – et cela pour des raisons bassement spéculatives – si bien que de nombreuses fuites ont sérieusement contribué à crever les plafonds et dégrader les plâtres, stucs, moulures, boiseries, le bel escalier à vis du XVIe siècle et l’escalier d’apparat du XIXesiècle ?

Les buts du Dal86 inscrits dans ses statuts sont clairs et se confondent avec ceux du DAL national inscrits dans sa charte que nous avons acceptée :

– unir et organiser les familles et les individus, mal-logés ou concernés par le problème du logement, pour la défense du droit à un logement décent pour tous :
– exiger l’arrêt des expulsions sans relogement ;
– exiger le relogement décent et adapté de toute famille et personne mal-logée ou sans logis ;
– exiger l’application de la loi de réquisition sur les immeubles et logements vacants appartenant aux collectivités locales, à des administrations, à l’Etat, à des banques, à des compagnies d’assurance, à de gros propriétaires, à des professionnels de l’immobilier.
En clair nous n’avons pas d’autres but que de coopérer avec les sans logis et mal logés afin de les soutenir, de les appuyer pour mettre en place des solutions concrètes. Il ne sert donc à rien de nous traiter comme des délinquants.

Concernant ce qui est appelé « menaces de mort » par la municipalité et par la police, d’abord, lors de l’audition, n’a été présenté qu’un graffiti en rouge et noir ; Ensuite ce dernier est pour le moins énigmatique. Si ce graffiti commence bien par, écrit en rouge, C.L.A.E.Y.S, il y a d’autres lettres à la suite que le policier a donné comme C.U. qui pourraient amener à douter que ce soit vraiment le maire de Poitiers qui soit visé. La police semble prompte à interpréter ce graffiti comme « C.L.A.E.Y.S. C.U L.A C.O.R.D.E A.U C.O.U ». Mais ce serait ne retenir qu’une partie, celle écrite en rouge. Si nous rajoutons ce qui est écrit en noir nous obtenons (de mémoire) une phrase vraiment incompréhensible : « C.L.A.E.Y.S ?.?.?.C.U L.E.S C.O.R.D.E.L.I.E.R.S A.U C.O.U.V.E.N.T » ou peut-être « « C.L.A.E.Y.S ?.?.?.C.U L.ES C.O.R.D.E.L.I.E.R.S A.U C.O.U.V.E.R.T ». Qu’est-ce que cela peut bien vouloir dire ? Nous comprenons bien pourquoi le maire de Poitiers et la police sont prompts à ne retenir que la partie écrite en rouge, mais comment expliquent-ils cette phrase dans son ensemble ? Et même s’ils ne retiennent que cette partie écrite en rouge, est-ce vraiment une « menace de mort » ? Nous ne connaissons bien sûr pas les intentions de l’auteur mais l’expression « La corde au cou » veut dire deux choses 1) complètement à la merci de quelqu’un et 2) dans une situation périlleuse ou désespérée. Donc, pas de menace de mort dans ce graffiti, simplement peut être le constat que le maire de Poitiers a perdu la partie. Nous avons toutefois une réelle préférence pour l’emploi ironique de ce terme : prêt à se marier. Conjecture pour conjecture, ne sommes-nous pas là en présence d’un-e amoureu-x-se secrèt-e de M. Claeys qui, par dépit, à écrit son désir de lui « passer la corde au cou » c’est-à-dire de se marier avec lui ? Nous comprenons donc que les autorités, et en particulier le maire de Poitiers, veulent dramatiser certaines choses. Ils veulent par là détourner l’attention du principal, ne voulant pas reconnaître que certains poitevins, de plus en plus nombreux, connaissent de graves difficultés, notamment économiques, sans parler de la non assistance aux sinistrés du 11 rue Jean-Jaurès. Les autorités ne veulent-elles pas en particulier occulter que, alors qu’il y a de nombreux logements vacants, l’accès au logement, qui plus est décent, est un véritable problème pour une partie de la population ?

Il y a eu aussi ce jeudi 14 juin, nous ne savons pas quand dans la journée, une réunion interne en mairie entre différents services, police et services sociaux suite à la demande de certains commerçants qui semblent chercher des boucs émissaires à leur perte de clientèle. Nouvelle République 15/06/2012. Notons que les services sociaux participant à de telles réunions en collaboration avec la police montrent par là leur vrai visage de socio-flics. Un petite remarque en passant. Que pensent de tout cela les « marginaux » ? Quelqu’un a-t-il pensé à aller le leur demander ? A moins que ce soient les socio-flics qui sont chargés de parler pour eux ? En tout cas nous sommes là aussi en présence d’un État qui ne respecte même pas les principes qu’il édicte lui même et qui le fondent. L’État libéral se considère lui même au dessus de la société comme un arbitre entre des groupes aux intérêts antagonistes. La moindre des choses pour qu’il y ait arbitrage serait que les différents partis soient représentés. Et si certains groupes ne le sont pas et qu’il n’y ait que les forces répressives qui sont présentes, nous sommes en présence d’un État policier et totalitaire. Le fascisme n’est pas seulement présent dans les têtes des militants d’extrême droite, on le trouve aussi dans les manière de gouverner de nos « responsables ».

A partir de 18h a eu lieu le rassemblement de soutien aux habitants de la place du marché, proposé par le DAL86 qui avait invité très largement les associations, syndicats, partis et orgas politiques… Il s’agissait de dénoncer la chasse aux pauvres et la purification sociale du centre ville de Poitiers. Une trentaine de personnes étaient présentes. Deux banderoles ont été déployées : « La gauche va-t-elle se mettre au Karcher ? » et « Un toit c’est un droitDroit au logement » et des tracts ont été distribués.

Vers 19h15, lorsque nous nous sommes dispersés, un autre des militants du DAL86, ciblé lui aussi par les autorités qui semblent chercher par tous les moyens à le faire tomber, a été interpellé, amené au poste et placé en garde à vue. Il en est sorti à 22H40. Le motif était « outrage au maire de Poitiers », selon des propos qu’il aurait tenus lors d’une conversation… privée ! Nous ne savons pas s’il sera poursuivi. Mais on hallucine quand même. Même s’il était avéré qu’il ait tenu des propos discourtois à l’encontre du maire, un procès serait non avenu puisqu’il s’agissait d’une conversation privée et surtout que le maire n’était pas présent au moment des faits. Tout comme les convocations à répétition, les diffamations et calomnies dans la presse écrite et sur le site de la ville de Poitiers, ce sont des procédés pour harceler, mettre la pression, intimider… des personnes qui dérangent les autorités par leur prises de positions politiques et leur lutte auprès des laissés pour compte, des « sans », des opprimés…. Il s’agit de tenter de les faire taire et de les empêcher de mener à bien leur actions par tous les moyens.

 

Enfin vers 20h, le Directeur Départemental de la Sécurité Publique (DDSP) en personne accompagné de quelques uns de ses hommes et de ses baceux est venu faire la loi place du Marché. Ce fût digne des plus mauvais westerns comme il fallait s’en douter. Une quinzaine de jeunes des quartiers tranquillement posés là ont subit un long contrôle d’identité durant 20 à 30 minutes. Lorsque les flics sont partis, les jeunes se sont dispersés mais le commissaire Papineau a continué aidé de quelques hommes (deux voitures) à patrouiller, le DDSP allant même jusqu’à contrôler tout seul deux jeunes et leur faire vider leur bière. Puis ils ont contrôlé l’un des gens de la rue qui a été embarqué. Les flics sont revenus puis ont procédé à une nouvelle interpellation d’une personne qui discutait tranquillement sur un banc. La personne a été brutalisée jusqu’au commissariat et peut-être plus, puisque certain d’entre nous ont pu assister à son arrivée à l’hôtel de police. Une voiture de police est arrivée avec l’un des policiers bien costaud assis à l’arrière non pas à côté mais sur la personne, dont on a vu après qu’elle était menottée, qui a été tirée très violemment par un pied hors du véhicule et traînée par terre. Cette personne a été si bien brutalisée place du marché que plusieurs groupes de personnes attablées aux bistrots en face ont hué et sifflé les brutalités policières. Un flic a commencé à les filmer et le Directeur départemental de la Sécurité publique a appelé des renforts. Après avoir transmis ses ordres à ses hommes, la dizaine de policiers a encerclé l’un de ces groupes composé d’une dizaine de jeunes et ont procédé à un contrôle d’identité sans donner le motif alors que ça leur était demandé. Pendant le contrôle, le DDSP est rentré dans le bar et s’en est pris au patron. Puis il en est ressorti et a été directement vers l’un des jeunes et l’a désigné pour procéder à son interpellation sans bien sûr donner le motif que nous n’avons appris que par la suite : outrage. Il est convoqué au tribunal le 12 octobre prochain. Le commissaire Papineau chercherait-il encore des financements pour partir en vacances ? Le centre ville nettoyé, les cow boys sont partis laissant beaucoup de citoyens révoltés par cette rafle. Plusieurs personnes ont clairement manifesté leur indignation, notamment une personne qui était filmée agressivement par la police.

Outre à la répression ordinaire des luttes sociales légitimes, nous sommes confrontés une nouvelle fois à des tentatives des autorités de constituer un délit de solidarité et de criminaliser les militants. La nouveauté c’est qu’aujourd’hui ce ne sont plus les « jeunes » et/ou « marginaux » qui sont harcelés mais des vieux militants de terrain qui en l’occurrence, n’ont pas d’autres but que de coopérer avec les sans logis et mal logés afin de les soutenir, de les appuyer pour mettre en place des solutions concrètes. Imaginons si lors de la grande grève de la faim des sans papiers en 2006, M. Santrot alors maire de Poitiers avait mis en cause nommément et publiquement les militants qui les soutenaient et les accompagnaient, les accusant d’instrumentaliser, de manipuler les sans papiers et de mettre leur vie en danger, si les procureurs les avaient fait convoquer pour audition au commissariat et si le DDSP de l’époque les avait arrêtes et mis en garde à vue ? Eh bien c’est exactement ce qu’il se passe aujourd’hui avec le DAL86 et les sans logis et mal logés.

Nous exigeons :

– l’arrêt immédiat de la condescendance à l’égard sans logis et mal logés et de cette attitude charitable qui confine au mépris ;

– l’arrêt immédiat du harcèlement, des humiliations et de la répression féroce envers ceux dont le seul tort est d’avoir osé lever la tête et exiger le respect de leurs droits ;

– l’arrêt immédiat des poursuites judiciaires envers les cinq personnes mises injustement en cause après la destruction du campement devant Notre Dame et convoquées au TGI le 10 juillet, ainsi qu’envers les trois personnes sinistrées, convoquées au TGI le 12 juillet après l’incendie accidentel du squat du 11 rue Jean Jaurès ;

– l’arrêt immédiat de cette chasse aux sorcières visant le DAL86 et des militants de terrain exclusivement préoccupés des droits des sans logis et mal logés, et n’agissant que pour que les lois soient appliquées. Arrêt du harcèlement, des tentatives d’intimidation et des provocations puériles.

– et enfin, un relogement décent pour tous les militants du Collectif des sans logis et mal logés et tous ceux qui en ont besoin.

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