Laurence Brunet, la directrice du centre communal d’action sociale de Poitiers a réagi dans la Nouvelle République du 15 janvier 2013 à l’article sur l’accueil d’une famille arménienne avec deux jeunes enfants, dimanche soir (Centre presse et Nouvelle République 14 janvier 2013). « Toute personne débarquant à Poitiers peut être hébergée ; il suffit de faire le 115. Il y a des places. En priorité d’ailleurs pour les femmes et les enfants. Y comprit, s’il le faut, avec des solutions d’appoint comme les nuitées d’hôtel. »
Il est clair qu’en ce moment, puisque le plan grand froid à été déclenché, il semblerait que « toute personne débarquant à Poitiers peut être hébergée ; il suffit de faire le 115 ». Mais la directrice du CCAS de Poitiers va bien au-delà en disant : « L’hébergement au gymnase des Écossais, c’était la solution de facilité, mais dans tous les cas une solution aurait été trouvée sans le déclenchement du plan grand froid et cette famille n’aurait pas dormi dehors ». Ce qui est un gros mensonge. Les principaux intéressés et les associations le savent très bien, d’habitude, il n’y a pas de place au 115. Il suffit de téléphoner pour s’en apercevoir…
La première fois que des militants du DAL86 ont assisté à un appel au 115 c’était le 9 avril 2012. Le standardiste du 115 a répété plusieurs fois que « sur Poitiers il n’y a aucune solution ». VOIR
La dernière fois que des militants du DAL86 ont assisté à l’appel au 115 de personnes à la rue, c’était le 22 décembre dernier au milieu de l’après-midi. Il s’agissait de trois familles, une mère et sa fille de 13 ans, un couple avec un enfant de 9 mois et un autre couple dont la femme de 18 ans était enceinte de 3 mois. La personne du standard du 115 a pris leurs noms et leur a dit qu’il n’y avait pas de place. L’un des militants du DAL86 a alors pris le téléphone et a insisté en appuyant sur le fait qu’il y avait un enfant de 9 mois, un autre de 13 ans et une femme enceinte qui étaient à la rue. La personne du standard du 115 a alors répondu qu’elle allait se renseigner et qu’il fallait rappeler dans une heure. Quand les personnes ont rappelé, la personne du standard du 115 leur a dit qu’il y avait des places, mais à 20 km de Poitiers…
Nous pourrions multiplier les exemples, mais ce n’est pas utile, car la FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réadaptation sociale) a publié son « [CP] CAU : Vers une année noire pour les personnes à la rue et mal-logées ? » dans lequel elle précise que la dégradation de l’urgence sociale se poursuit. Poitiers serait-elle la seule ville en France qui y échapperait ? Malheureusement, non. Car nous apprenons sur la carte de la page 4 du rapport qu’en décembre dans le département de la Vienne entre 30 % et 60 % des demandes n’ont pas donné lieu à un hébergement pour « Absence de places disponibles »… Nous ne savons pas comment est obtenu ce pourcentage et s’il est plus proche de 60 % ou de 30 %, nous ne savons pas où la directrice du centre communal d’action sociale de Poitiers a pris ses informations, mais en tout cas il est certain que ce n’est pas zéro pour cent et donc que : Toute personne débarquant à Poitiers NE peut PAS être hébergée.
Nous sommes donc en présence d’un gros mensonge. Pourquoi ? Le DAL86 pense que c’est pour occulter ce qui se passe VRAIMENT au 115. Outre l’accueil inconditionnel qui n’est pas assuré, nous pouvons lister en vrac toute une série d’éléments qui dissuadent les gens d’y faire appel : les règlements et horaires stricts, voire absurdes, l’arbitraire et l’irrégularité de l’accueil, l’abus de pouvoir et les pressions du personnel, l’impossibilité d’y être avec son chien, l’impossibilité d’y manger, la vie en dortoirs, la séparation des couples et des familles, et, quand il existe, l’accompagnement social qui est un véritable flicage…
Nous exigeons donc, qu’au lieu de dissuader les gens d’exercer leurs droits, qu’au lieu d’être au service des propriétaires immobiliers, les autorités, préfecture, mairie, Conseil général… respectent la loi et mettent en place un véritable service d’hébergement et de logement. En fait, tout ce qui est prescrit par la loi du 25 mars 2009 et qui n’existe pas sur Poitiers : Un accueil inconditionnel et pérenne, car « Ce dispositif fonctionne sans interruption et peut être saisi par toute personne, organisme ou collectivité » « toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir […] y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite » ; un accueil « conforme à la dignité de la personne humaine » ; des « prestations assurant le gîte, le couvert et l’hygiène, une première évaluation médicale, psychique et sociale » ; une première orientation « vers tout professionnel ou toute structure susceptibles de lui apporter l’aide justifiée par son état, notamment un centre d’hébergement et de réinsertion sociale, un hébergement de stabilisation, une pension de famille, un logement-foyer, un établissement pour personnes âgées dépendantes, un lit halte soins de santé ou un service hospitalier » ; un accompagnement personnalisé digne de ce nom : « Toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement personnalisé » ; une seconde orientation « vers une structure d’hébergement stable ou de soins, ou vers un logement, adapté à sa situation » . Le but ultime est bien de vivre dans un logement stable, car le seul hébergement n’est pas une fin en soi puisqu’il s’agit d’aider « les personnes et les familles qui connaissent de graves difficultés, notamment économiques, familiales, de logement, de santé ou d’insertion » à « accéder ou à recouvrer leur autonomie personnelle et sociale ».
Pour finir, admettons qu’en ce moment « Toute personne débarquant à Poitiers peut être hébergée ; il suffit de faire le 115 », mais nous serons très vigilants. D’après la loi du 25 mars 2009, toute personne hébergée doit l’être jusqu’à son relogement « toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir […] y demeurer, dès lors qu’elle le souhaite ». Et il commence à y avoir une jurisprudence. En référé liberté, le tribunal administratif de Paris a rendu vendredi 11 janvier en fin d’après-midi, un jugement, ordonnant au préfet de région Île-de-France, de reprendre le financement de l’hébergement hôtelier d’un père de famille et ses trois enfants, pour lesquels le 115 du Val-d’Oise avait suspendu le financement depuis 3 jours.Selon le Tribunal, “… cette prise en charge ayant cessé … l’État a ainsi porté une atteinte grave et manifestement illégale au droit de Mr B. de se maintenir comme il en avait exprimé le souhait, dans une structure d’hébergement d’urgence … Le tribunal ordonne donc : “Il est enjoint au Préfet de région Île-de-France et de Paris, de proposer une orientation à Mr M.B. Dans un délai de quinze jours, à compter de la notification de l’ordonnance, au sens des dispositions de l’article L. 345-2-3 du code de l’action sociale et des familles.” VOIR
Il faut que les autorités, préfecture, Conseil général, mairie… se donnent les moyens de respecter les lois qu’elles se sont données à elles-mêmes. C’est-à-dire, au lieu d’être au service des propriétaires immobiliers, de mettre en place un véritable service d’hébergement et de logement comme la loi le stipule.
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