Nous avons appris que la semaine dernière, la Préfecture, fidèle à elle-même, a convoqué la famille Abgaryan, et leur a retiré le récépissé en leur possession sous prétexte que pour venir en France, Karen le père avait utilisé le nom de famille de sa mère et non de son père.
La stratégie de la préfecture à de quoi laisser dubitatif. Déjà au cours du mois d’avril, alors qu’un mouvement de sans papiers et de leurs soutiens était en train de se constituer puisqu’il y a eu pas moins de 6 manifestations (12, 22 et 24 février ; 5, 19 et 28 mars ; ) et une conférence de presse (1er mars) les deux mois précédents, alors que le rassemblement du premier mercredi du mois, le 2 avril, avait réuni plus de 80 personnes, alors que le 10 avril avait eu lieu un rassemblement devant l’école Renaudot pour la famille de Mariam et Sargis, la préfecture a donné une OQTF sans délais à Marina, une jeune veuve arrivée en France le 26 avril 2011 qui a deux enfants de 11 et 9 ans scolarisés depuis 3 ans à l’école Tony Lainé, OQTF datée du 15 avril, envoyée par lettre recommandée avec accusé de réception et récupérée le 30 avril, et a tenté, le 23 avril, d’expulser vers la Pologne la famille de Mariam et Sargis, la mère et les deux enfants sont restés à Poitiers et le père a été envoyé en centre de rétention à Bordeaux pour être expulsé le 6 mai, une semaine après que son comité de soutien organise un rassemblement devant la préfecture (le 28 avril) et obtienne audience auprès du Directeur de Cabinet de la préfète, et la veille du rassemblement du comité de soutien de Marina qui a réuni au moins 60 personnes devant l’École Tony Lainé et du rassemblement du 1er mercredi du mois qui a rassemblé au moins 200 personnes (alors qu’il y a 20 à 30 personnes habituellement) devant le palais de justice. La préfecture aurait voulu mettre le feu qu’elle ne s’y serait pas prise autrement.
Et là aujourd’hui, à quelques jours des rassemblements concomitants pour Anouch et Lieuva et leurs parents devant les Lycées Pilote Innovant et Aliénor d’Aquitaine qui a réuni 400 à 500 personnes, à quelques jours du prochain rassemblement du 1er mercredi du mois du 4 juin, la préfecture récidive en agressant la Famille Abgaryan au risque de réactiver son comité de soutien et de renforcer sa convergence avec les autres Comités lors du rassemblement du 4 juin qui sera le 13ème en 4 mois et qui promet alors d’être encore plus massif que le dernier.
Alors de trois choses l’une. Soit la préfecture fait n’importe quoi. La précédente préfète est partie, la nouvelle n’est pas encore installée, le secrétaire général était en vacances et les agents du Service de l’immigration et de l’intégration qui ont déjà l’habitude de décider tout seuls, n’en ont fait qu’à leur tête. Soit la préfecture cherche à tester et à casser la résistance du mouvement social de sans papiers et de leurs soutiens qui se développe progressivement depuis 4 mois sur Poitiers, au risque, vu le nombre de migrants sans papiers ou précaires sur Poitiers, de le faire flamber et que des comités de soutien fleurissent de partout. Soit c’est encore autre chose.
Nous pouvons constater d’abord que la nouvelle préfète, Christiane Nallet, qui a pris ses fonction lundi 19 mai 2014 [VOIR] a redonné un peu d’espoir aux sans papiers et à leurs soutiens. En effet, nous pouvons lire à son sujet dans Wikipédia ; « Elle est marquée par sa rencontre, à titre privé, avec Sœur Emmanuelle en 1987 à Briançon où elle a été nommée sous-préfète, comme elle l’explique en 2009 : « Je l’ai recontactée en 1990 pour intégrer son association qu’elle venait de créer, l’association Sœur Emmanuelle. J’avais décidé de m’engager auprès d’elle. Et je suis partie sur le terrain, en chantier aux Philippines. Par la suite, en 1996, j’ai pris la présidence de l’association en 1996. J’ai quitté ce poste en 2002 mais je suis restée membre du conseil d’administration. Sœur Emmanuelle était devenue une proche, une intime comme on dit. Elle a marqué ma vie personnelle et professionnelle. Avant cette rencontre je n’aurai jamais imaginé m’engager comme je suis engagée pour aider les plus démunis » D’autre part, elle a laissé le souvenir d’une préfète à l’écoute et humaine dans les Deux-Sèvres lorsqu’elle y a exercé ses fonctions de 2009 à 2012.
Ne pourrait-on pas alors penser que cette humanité de la préfète soit très mal vue du côté du Secrétaire général et plus précisément du Service de l’immigration et de l’intégration de cette même préfecture ? En effet, comme pour la famille de Mariam et Sargis, ce n’est pas le secrétaire général mais le Directeur de Cabinet qui a reçu la délégation du comité de soutien de la famille Abgaryan. Lors de l’entrevue, ce dernier a d’ailleurs constaté que le dossier était incomplet. Malgré ce qu’affirmaient les associations présentes qui étaient sûres de les avoir faites, toutes les attestations déjà données à la préfecture n’étaient pas dans le dossier.
Ce n’est pas la première fois que les associations ont pu constater une telle situation. Lors de la réunion entre RomEurope et la préfecture de septembre dernier, la préfète Élisabeth Borne s’est tournée plusieurs fois, l’œil noir, vers le secrétaire général et la directrice du Service de l’immigration et de l’intégration pour leur demander des explications, en particulier concernant la suppression des droits acquis des rom-roumains arrivés à Poitiers à partir de 2006. La préfète n’avait donc visiblement pas les mêmes informations que ses services qui semblaient clairement avoir la bride sur le cou.
Ce ne serait pas étonnant qu’il y ait à la préfecture de Poitiers une guerre des sous-chefs voire des sous-sous-chefs. La structure hiérarchique de ces institutions encourage les rapports de force, les prises de pouvoir, les coups bas, les pièges et les trahisons. Ce ne serait donc pas étonnant que le Directeur de Cabinet, ayant donné des récépissés à la famille Abgaryan contre l’avis du secrétaire général ou du Service de l’immigration et de l’intégration, les services du Secrétaire général cherchent tous les prétextes pour les leur supprimer, et lorsqu’ils les trouvent mettent en porte-à-faux le Directeur de Cabinet.
Surtout que ce Service de l’immigration et de l’intégration de la préfecture de Poitou Charentes est quand même très particulier. C’est l’ancien Secrétaire général, Jean-Philippe Setbon, de sinistre mémoire, qui l’a organisé de cette façon. Il y a trois ou quatre ans, vue la politique arbitraire, brutale, sans foi ni loi, destructrice, discriminatoire et inhumaine mise en œuvre par leur supérieur hiérarchique, 15 des 20 fonctionnaires constituant ce service ont demandé leur mutation, ou ont été poussés dehors. Nous avons une petite idée de la mentalité de ceux qui sont restés alors et de ceux qui y venus et qui y sont restés depuis.
Ce ne serait pas étonnant non plus si le Service de l’immigration et de l’intégration préparait à sa façon l’installation de la nouvelle préfète. Cette dernière ne pourra peut-être pas facilement exprimer son humanité en régularisant des familles qui non seulement ont tous les défauts du monde (affreux sales et méchants et… menteurs!) mais risquent d’être, elles et leurs soutiens, très en colère et de multiplier et de renforcer les rassemblements de contestation. Si cette hypothèse se révélait juste, le dialogue risquerait d’être difficile.
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