La famille M. a reçu le 5 juillet dernier son commandement à quitter les lieux. Cette famille de 4 personnes, composée de 2 enfants de 8 et 11 ans et de leur père et mère, a été hébergée en HUDA (Hébergement d’Urgence pour Demandeurs d’Asile) tant qu’ils faisaient leur demande d’asile. Lorsqu’il en ont été déboutés, leur hébergeur, la Croix Rouge, clairement forcée par la préfecture de la Vienne mais aussi en faisant du zèle, leur a demandé de quitter leur logement sans leur proposer aucune autre solution de relogement alors que c’est elle qui est mandatée pour gérer le SIAO (Service Intégré d’Accueil et d’Orientation). VOIR
Cela fait presque deux ans que la Croix Rouge a demandé à la Famille M. de sortir de son appartement HUDA. Deux longues années à avoir un toit mais aussi à subir les pressions de cette association si caritative : « si vous restez, vous n’aurez pas vos papiers », « la police viendra vous expulser », « il y a des demandeurs d’asile en situation régulière qui sont sans hébergement qui attendent et dont vous prenez la place »… Beaucoup de faux prétextes mais qui fragilisent quand on est en situation de précarité.
Mais rien n’y a fait. La famille M. a tenu le coup. La Croix Rouge a donc décidé de l’assigner au tribunal d’instance pour l’expulser légalement. Mal lui en prit puisque d’abord, la procédure à été longue. Le procès initial devait avoir lieu le 25 octobre 2012. Reporté une première fois au 18 janvier 2013, puis une seconde fois au 15 mars. L’ordonnance devait être rendue le 26 avril mais le juge a mis un mois pour signer et l’huissier un mois et demi pour apporter la notification. Rappelons que normalement la signature du juge suivie de la notification de l’huissier ne prend pas plus de 7 jours. Pour le squat de l’Etape, le juge a signé le jour même et l’huissier est venu apporter la notification le lendemain !
Ce délai est-il un signe de la mauvaise conscience des autorités ? Étant donné que tout est calculé dans la machine à expulser, nous faisons l’hypothèse que les autorités qui essuient revers sur revers concernant les squats des Glières et l’Etape ont cherché par ce retard dans la notification à éviter un nouveau scandale. Mieux valait donc notifier la Famille M. en début de vacances d’été, lorsqu’il n’y a plus grand monde à Poitiers afin de tenter d’étouffer l’affaire. L’inconvénient est que, quand même, l’expulsion aura lieu en début d’année scolaire, quand tout le monde sera là, la presse y compris. D’autant plus que cette famille étant soutenue par le DAL86. Que ce soit en juillet ou en septembre, l’information dépassera grandement le cadre poitevin, pour se répandre, par l’intermédiaire de la fédération et tous les comités DAL, dans toute la France voire au-delà.
Ensuite la Croix Rouge dont le but, rappelons-le, est de « prévenir et apaiser toutes les souffrances humaines » a perdu dans cette action sa réputation et sa crédibilité. Comment une association respectable comme la Croix Rouge peut-elle violer de la sorte les droits fondamentaux de personnes fragilisées ? Comment peut-elle se prêter à réaliser les basses œuvres de la Préfecture ? Comment peut-elle lui obéir si aveuglement ? Comment peut-elle être, sans aucun état d’âme, un rouage essentiel de la machine à expulser ?
Enfin, suivant l’exemple de la famille M., de plus en plus de familles refusent de sortir des CADA et HUDA. Et les prestataires de services, Croix Rouge en tête mais aussi Audacia (l’ex Entraide Sociale Poitevine qui en changeant de nom pense certainement changer sa réputation…) et Coallia n’insistent plus.
La Croix Rouge pourra-t-elle supporter cet autre scandale : faire expulser cette famille avec le concours de la force publique après le 5 septembre ? Déjà le coût politique de l’assignation au tribunal a été dévastateur, déjà il y a le scandale du 115-CHUS qui court toujours et celui du SIAO qui s’annonce, mais faire expulser cette famille par la force publique sous l’œil de la presse et alors que des militants tenteront probablement de l’empêcher risque d’être d’un coût politique colossal pour la Croix Rouge.
Pourquoi la Croix Rouge s’est-elle acharnée et continue-t-elle de s’acharner sur cette famille ? Pourquoi, puisqu’elle pilote aussi le 115 et le SIAO et gère le CHUS, ne les a-t-elle pas accompagné selon « Le principe du « logement d’abord » » et ne leur a-t-elle pas proposé un « hébergement ou un logement », comme la loi le prévoit. En effet, la loi de mobilisation pour le logement et la lutte contre l’exclusion, du 25 mars 2009,qui révise l’article 4 de la loi DALO stipule que « toute personne accueillie dans une structure d’hébergement d’urgence doit pouvoir y bénéficier d’un accompagnement et y demeurer, (…), jusqu’à ce qu’un hébergement stable ou un logement lui soit proposé ». Ce n’est pas nous qui l’inventons mais c’est écrit en toutes lettres dans le Plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées 2012 – 2016 pour la Vienne signé par le préfet de région et le président du Conseil général. Il y est d’ailleurs rajouté : « La loi va désormais plus loin en préconisant l’accompagnement d’une part, et une proposition d’hébergement ou de logement, plutôt qu’une simple orientation, d’autre part. La mise en œuvre de la stratégie du « logement d’abord » suppose ainsi le décloisonnement des politiques du logement et de l’hébergement, identifiées comme complémentaires ». On ne peut être plus clair.
La Croix Rouge avait donc les moyens de ne pas en arriver à traîner la famille M. au TI pour l’expulser. Il lui suffisait de respecter les lois et de faire son travail. De toute façon, suite au jugement, le juge a ordonné que la décision soit transmise au préfet en application de l’article L 613-2-1 du Code de la Construction et de l’Habitation. Article qui stipule que « l’ordonnance ou le jugement sera transmis, par les soins du greffe, au représentant de l’Etat dans le département, en vue de la prise en compte de la demande de relogement de l’occupant dans le cadre du plan départemental d’action pour le logement des personnes défavorisées ». La Croix rouge continuera-t-elle à se permettre d’être au-dessus des lois ? Continuera-t-elle à ne pas assumer ce pourquoi elle est mandatée ?
Rappelons que l’expulsion de la famille M. de son logement et l’attitude de la Croix Rouge entrent dans le cadre de la politique dissuasive à l’égard des migrants, et est un rouage essentiel de la machine à expulser. Pour empêcher un supposé « appel d’air » et pour dissuader les migrants qui vivent à Poitiers de rester, les autorités ont mis en place des procédés pour durcir voire pourrir leur vie. Rappelons-ici ce que nous avons écrit dans une autre communiqué :
Tout cela : l’expulsion des squats, l’indignité et les carences du CHUS, l’impuissance du SIAO, le défaussement du social sur le caritatif, mais aussi la violation des droits élémentaires des personnes, les discriminations, les procédures administratives ubuesques et les « dysfonctionnements » des services de la préfecture, le torpillage des associations de soutien et d’accompagnement, la désactivation des services sociaux… participe à l’entreprise de dissuasion et d’intimidation des migrants et autres indésirables. Le but des autorités (préfecture-mairie-conseil général) étant, au mieux, de ne pas faire un appel d’air, au pire de passer la patate chaude. Le maire de Poitiers l’a clairement expliqué lors du petit déjeuner avec les associations du 4 mars 2011 : interpellé par Resf86 sur la question de l’hébergement des migrants de manière plus générale « le maire est satisfait de son bilan : Poitiers fait plutôt plus qu’ailleurs en moyenne. La mairie ne peut se substituer à l’Etat dans le contexte actuel tout est plus difficile. Les villes sont en concurrence face à l’accueil (ou au non-accueil) des migrants. On ne peut en faire plus car il y a un risque d’afflux de ces personnes « en errance » en provenance des villes moins accueillantes ». VOIR Et l’ex secrétaire général – préfet de la Vienne M. Setbon explique clairement les prises de positions du maire de Poitiers concernant les marchands de sommeil en disant dans la Nouvelle République du 29-06-11 Pour Jean-Philippe Setbon le problème se lève à l’Est NR 29/06/2011 ; « l’action qui a été menée avec la ville de Poitiers depuis 3 ans pour éradiquer les unes après les autres les poches d’habitats insalubres, qui étaient en fait tenus par des marchands de sommeil, a singulièrement rendu plus difficile la venue de sans-papiers. »
Sans commentaires, sauf peut-être ceux de Patrick Coronas (conseiller municipal délégué PCF de Poitiers) dans la Nouvelle République du 29-06-11 :« Je me sens démuni par ces décisions qui sont prises en dehors de toute logique apparente. Je pense pourtant qu’il y a bien une logique sous-jacente qui est de créer la tension chez certaines populations visées. Tout est fait pour rendre la vie impossible à ces gens-là »
La préfecture et la Croix Rouge doivent donc arrêter de pourrir la vie des gens et doivent respecter les lois en vigueur. La préfecture et la Croix Rouge doivent trouver une solution de logement acceptable pour le Famille M.
Sinon nous vous proposons d’organiser la résistance aux expulsions. A toutes les expulsions bien-sûr, à commencer par celle de la Famille M. Nous vous proposons de nous retrouver le 29 août prochain à 18h30 à la MDS afin d’élaborer ensemble la riposte que nous souhaiterions mettre en place.
DAL86 – dal86@free.fr – 06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56
Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h et tous les mardis soirs de 17h à 18h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers
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