Solidarité avec la famille L.

Droit Au Logement Vienne (86)

Droit Au Logement Vienne (86)

Samedi 22 décembre une jeune fille roumaine de 13 ans accompagnée de son beau frère a pris contact avec le DAL86. Elle nous a expliqué qu’elle était en France depuis deux ans et sur Poitiers depuis un an avec sa mère et une de ses sœurs de 20 ans qui a une petite fille de 9 mois et et qui est là avec le père de son enfant. Qu’ils vivaient dehors et dormaient tous dans une voiture garée sur les parkings.

Vu l’urgence de la situation, et comme nous l’avait conseillé Bruno Belin, Premier Vice-président du Conseil général et Président de la Commission de l’Action Sociale, de la Solidarité, de l’Insertion et des Personnes handicapées, si nous trouvions des enfants à la rue, dès lundi 24 décembre nous avons accompagné cette famille à l’ASE (Aide Sociale à l’Enfance). Mais malheureusement c’était fermé pour les fêtes et faisait le pont. Donc le 26 décembre, nous sommes de nouveau allés à l’ASE. Et là, quelle ne fut pas notre déconvenue : selon l’ASE, la situation de cette famille et de ces enfants de 9 mois et de 13 ans n’était pas « préoccupante » puisqu’ils couchaient dans une voiture ! Il faut se rendre à l’évidence, l’ASE de la Vienne, en fait de protection de l’enfance, se préoccupe seulement de la déficience des parents et donc se donne comme seul moyen ce qui est nommé pudiquement le « placement » des enfants. Nous ne contestons pas qu’il soit quelquefois nécessaire pour le protéger de séparer l’enfant de sa famille, mais nous soutenons que c’est une lecture locale étriquée des textes du Code de l’action sociale et des familles en particulier de son article L 221-1 :

« Le service de l’aide sociale à l’enfance est un service non personnalisé du département chargé des missions suivantes :

1° Apporter un soutien matériel, éducatif et psychologique tant aux mineurs et à leur famille ou à tout détenteur de l’autorité parentale, confrontés à des difficultés risquant de mettre en danger la santé, la sécurité, la moralité de ces mineurs ou de compromettre gravement leur éducation ou leur développement physique, affectif, intellectuel et social, qu’aux mineurs émancipés et majeurs de moins de vingt et un ans confrontés à des difficultés familiales, sociales et éducatives susceptibles de compromettre gravement leur équilibre ».

L’aide sociale à l’Enfance constitue donc une des modalités de la mise en œuvre du « droit à une vie décente » ou «droit à la protection sociale et à la sécurité matérielle », lequel constitue « un principe de valeur constitutionnelle » selon le Conseil Constitutionnel. Ainsi le tribunal administratif relève-t-il dans l’affaire Pschenychnyak c./ Dpt. des BdR, que « le droit à une vie décente constitue une liberté fondamentale dont l’aide sociale à l’enfance et l’aide à domicile sont des manifestations » (Ordo. réf. TA Marseille, 4 octobre 2002, req. N° 024716/0).

De plus dans l’article 3-1 de la Convention Internationale des Droits des Enfants de 1989 ratifiée par la France, disposition directement invocable selon le Conseil d’Etat, il est précisé que « em>dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait d’institutions publiques ou privées de protection sociales (…), l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Le DAL 86 attend donc que Bruno Belin prenne clairement position concernant l’aide apportée à l’enfance par l’ASE de la Vienne. S’agit-il pour elle de seulement protéger l’enfant de ses parents ou d’apporter une protection de l’enfant plus complète dans le cadre du « droit à une vie décente » ou « droit à la protection sociale et à la sécurité matérielle » ?

Après avoir subi ce refus de prise en charge par l’ASE, cette famille est allée retourner dormir le soir dans sa voiture. Elle a malheureusement dû s’en séparer le lendemain. Et ayant perdu ce refuge très précaire, et étant sans abri, en détresse et démunie de toute solution d’hébergement, elle est rentrée par la porte ouverte dans une maison vide pour s’y abriter. Elle y demeure depuis.

Cette famille sait que ce qu’elle a fait est illégal, mais elle l’a fait parce qu’elle était en état de nécessité et surtout pour protéger les deux enfants, rappelons-le de 9 mois et de 13 ans. Elle a donc écrit au préfet afin de ne pas pénaliser plus le propriétaire, pour retrouver le plus rapidement possible une situation légale.

Note à l’attention de la préfecture, de la police et des huissiers
qui nous ont habitués à un grand n’importe quoi.

Le fait que cette famille en état de détresse soit entrée par la porte ouverte dans une maison composée de 4 logements indépendants vides de meubles et vacants depuis au moins 3 ans pour s’y abriter, ne peut constituer en aucun cas une violation de domicile au sens de l’article 226-4 du Code pénal : « L’introduction ou le maintien dans le domicile d’autrui à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte, hors les cas où la loi le permet, est puni d’un an d’emprisonnement et de 15000 euros d’amende ». Carole Frazier dans son article, Violation de domicile, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz, mars 2001, explique : « Sont visés par l’article 226-4 les seuls lieux qui peuvent servir effectivement d’habitation. Ainsi les squatteurs qui s’introduisent dans un appartement vide de meubles entre deux locations ou encore dans un appartement neuf et non occupé ou encore dans un appartement vide de meubles en attente de démolition, même par effraction, ne se rendent pas coupables de violation de domicile (Cass. Crim. 19 juill. 1957, Bull. Crim. n°513 ; CA Versailles, 8e ch. 31 janv. 1995, Juris-Data n°040700). Ceci amène à retenir [… qu’] un local n’est pas occupé quand il est vide de meubles (il n’y a donc pas violation de domicile possible : Cass. crim. 22 jan. 1997, Bull. crim. N°31).

Il est donc hors de question que le propriétaire invoque une telle violation de domicile et fasse une « Requête en expulsion d’un occupant sans droit ni titre ».

D’autre part, le DAL86 sera très vigilant concernant une expulsion sauvage sans jugement. Carole Frazier dans son article, Violation de domicile, Répertoire de droit pénal et de procédure pénale Dalloz, mars 2001, explique : « La demeure est inviolable dès lors que l’occupant peut se dire chez lui « quel que soit le titre juridique de son occupation » Cass. crim. 13 oct. 1982, préc. confirmé par Cass. crim. 23 mai 1995, préc.). Ainsi […] la protection est reconnue à l’occupant sans titre ne pouvant arguer d’une quelconque autorisation, dès qu’il habite les lieux depuis un certain temps. Ainsi, les squatteurs vivants depuis plusieurs semaines dans les lieux sont dans leur domicile dont ils ne peuvent être expulsés par la force publique qu’un vertu d’une décision judiciaire exécutoire (Cass. crim. 22 janv. 1957, Bull. crim., n°68). Il est difficile de fixer une durée minimale en deçà de laquelle l’éviction des intéressés pourrait être réalisée sans décision de justice; les service de police devraient se montrer prudents au delà de 48 heures (V. Chapus et Chemin, Centre. doc. et inf. pol. nat. Bull. n°13, janv. 1982).

Le DAL dans son guide Faire face à une expulsion de logement, la Découverte, précise : « dans l’hypothèse d’une entrée sans autorisation du propriétaire, l’usage considère que, passé un délai de 48 heures, le local occupé constitue désormais le domicile des personnes entrées sans autorisation (question parlementaire du 21 septembre 2004, J. O. Ass. Nat ;, 8 mars 2005, p. 2526). Dans ce cas, le propriétaire et les forces de l’ordre ne peuvent les expulser qu’à la suite d’une procédure judiciaire d’expulsion engagée par le propriétaire. »

Il est clair que s’il y a expulsion illégale (sans décision judiciaire) le DAL86 soutiendra la famille lésée pour faire une demande de réintégration devant le juge des référés.

Enfin, il n’est pas nécessaire de faire une « ordonnance sur requête » pour connaître l’identité des occupants sans titre puisque leur nom est affiché sur la porte d’entrée et le préfet a reçu un courrier de leur part.

Un toit c’est un droit

DAL86 www.dal86.frdal86@free.fr06 52 93 54 44 / 05 49 88 94 56

Permanences : tous les samedis matin de 11h à 12h et tous les mardis soirs de 17h à 18h Maison de la Solidarité 22 rue du Pigeon Blanc Poitiers

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