Il y a cinq ans, Nicolas Sarkozy avait dessiné les contours d’une France » où chacun pourra accéder à la propriété de son logement « . Le candidat s’était fixé l’objectif de faire passer le taux de propriétaires de 57 %, en 2007, à 70 %. Pour y parvenir, il avait introduit la déductibilité du montant de ses revenus des intérêts payés pour un emprunt immobilier. Coup d’épée dans l’eau : cinq ans plus tard, seuls 58 % des Français – et 20 % des ménages les plus modestes – sont propriétaires. Et la crise du logement est toujours là.
Deux études – l’une de l’Insee, l’autre du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc) – le confirment : le logement coûte de plus en plus cher, et le clivage entre propriétaires et locataires ne cesse de se creuser. Aujourd’hui, si l’on prend en compte les loyers, les charges, les taxes, les dépenses d’eau et d’énergie, les remboursements d’emprunts – autant de postes qui sont en hausse -, un ménage sur deux consacre près d’un quart de ses revenus à son habitation principale. Mécaniquement, le logement pèse plus lourd dans les budgets modestes.
La crise du logement nourrit la fracture sociale que les politiques promettent de réduire depuis plus de quinze ans. Quand on paie de plus en plus cher pour se loger, il faut rogner sur les dépenses de base, c’est-à-dire essentielles pour vivre décemment : l’alimentation, la santé, les transports. Ainsi, quand une famille voit son taux d’effort pour se loger passer de moins 20 % de ses revenus à 20 % et plus, elle va réduire ses achats alimentaires de près de 100 euros par mois. Les privations touchent aussi la santé, alors que déjà l’accès aux soins est de plus en plus difficile pour les plus démunis : 44 % des personnes qui peinent à assumer leur charge logement restreignent leurs dépenses médicales, une proportion en hausse de 23 points en l’espace de trente ans !
La cherté du logement provoque une spirale dépressive et oblige les ménages les plus touchés à une austérité dans les conditions de vie. On rogne sur les transports, mais aussi sur ces dépenses dites superflues mais qui aident à vivre mieux : les loisirs, la culture, l’habillement, les pratiques sportives et festives, les télécommunications, les vacances, les cadeaux… Le lien social se délite, la convivialité se raréfie, le moral des ménages s’en ressent : 57 % qui ont un taux d’effort important éprouvent un sentiment de solitude, d’isolement. Il en ressort aussi un sentiment de déclassement social : 41 % des locataires estiment appartenir aux classes populaires ou défavorisées, contre 30 % il y a dix ans.
Jeudi 5 avril, des acteurs du logement – dont la Fondation Abbé Pierre, qui avait lancé, le 2 février, un » nouveau contrat social pour une nouvelle politique du logement « – ont entendu les candidats à la présidentielle. Tous ont avancé des propositions, mais, pour 73 % des Français, selon un sondage Ipsos, ils n’en parlent pas assez. Il leur faut encore prendre la mesure d’une crise du logement qui devrait être aujourd’hui une cause nationale.
Commentaires récents