Le 115 reçoit 800 appels chaque jour
Le numéro d’urgence composé par les sans-abri du département est pris d’assaut cet été. Au bout du fil, de nouveaux profils : des jeunes, des gens sortant de l’hôpital, des familles…
GWENAEL BOURDON | Publié le 29.08.2012, 08h21
MONTREUIL, LUNDI. Les 5 écoutants du 115 évaluent au téléphone la situation du demandeur d’hébergement. Priorité est donnée aux familles et aux femmes enceintes.«Le 115, bonjour. » A l’autre bout du fil, la voix de la jeune femme est lasse. « Je voulais savoir si vous pouviez m’héberger encore un peu… » Kamel*, l’un des écoutants du service, pianote sur son ordinateur, pour retrouver le dossier de son interlocutrice. « Ça s’est bien passé à l’hôtel? » l’interroge-t-il d’une voix douce.
« Oui, mais on n’avait pas à manger. — Vous avez demandé des bons alimentaires à l’assistante sociale? » Sur l’écran du téléphone, un double appel s’affiche. « Ça sonne tout le temps, tout le temps, tout le temps », murmure Kamel.
C’était lundi matin, dans les locaux neufs du 115 de Seine-Saint-Denis. Le numéro d’urgence, injoignable en début de mois, en raison de problèmes techniques, fonctionne à nouveau. Au grand soulagement des responsables de l’association Interlogement, qui gère le service dans le 93. Car les mois d’été, la détresse est toujours là. En l’espace de quelques années, les demandes ont explosé. Sans-abri, familles expulsées de leur logement, jeunes en rupture, mamans seules.
Le service reçoit environ 800 appels quotidiens, davantage qu’en hiver. « Il n’y a pas plus de demandes, mais les gens sont obligés d’appeler plus souvent, pour obtenir une place d’hébergement », indique Fatiha Messaour, chef de service du 115. Car la procédure définie par l’Etat oblige les personnes hébergées à renouveler leur demande tous les trois jours. En ce lundi matin, les cinq « écoutants » n’ont pas une minute de répit. Au fil de l’entretien, parfois laborieux, ils doivent déterminer si la personne au bout du fil peut prétendre à un hébergement d’urgence. Priorité est donnée aux familles ou aux femmes enceintes. Les adultes seuls obtiennent rarement gain de cause.
« Dans l’immédiat, je n’ai pas de solution d’hébergement, annonce Kamel à un homme qui dort dans sa voiture depuis deux semaines. Mais ne vous découragez pas, il faut continuer à nous appeler, une place peut se libérer ». « Je vous appelle tous les jours, ça me fatigue tout ça », soupire son interlocuteur. « Vous voulez qu’une équipe du Samu social passe vous voir? » demande Kamel. L’homme accepte rapidement, une équipe de maraude (lire ci-dessous) lui rendra visite en soirée. « On fait attention au moral. Ce monsieur nous appelle régulièrement, c’est forcément dur », explique l’écoutant. Mais déjà le téléphone sonne à nouveau. C’est un jeune homme de 24 ans, qui dort « dans les escaliers », d’une tour de La Courneuve. « J’étais avec mes potes, ils ne veulent plus de moi », murmure-t-il. « On fait face à des situations qu’on ne voyait pas il y a trois ans, constate Kamel. Des jeunes, des gens qui sortent de l’hôpital, des familles pourtant bien ancrées dans le département… C’est horrible. » Les chiffres parlent d’eux-mêmes. En 2008, 220 nuitées étaient mises à disposition du 115 de Seine-Saint-Denis par le Samu social de Paris (qui gère l’offre hôtelière) pour faire face aux demandes. Cet été, 2200 nuitées ne suffisaient pas à répondre à la demande.
*Le prénom a été modifié.
Le Parisien
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