Opération coup de poing de la police contre un groupe de marginaux, place du Colombier, hier. La Ville se justifie en agitant des plaintes des riverains.
Reportage
Cindy, une punkette, crête rose, chaîne autour du cou, tatouages, est en larmes. Elle protège ses deux chiennes, Louna et Créteuse. Refuse de lâcher les laisses. Autour, la foule se rassemble. Les policiers sont tendus.
Opération coup de poing contre les marginaux, squattant l’entrée de la place du Colombier, devant le centre commercial Les Trois Soleils, hier après-midi. Trois fourgons de police, un de la fourrière, ont débarqué avec une vingtaine d’hommes. Ils ont embarqué une dizaine de chiens, sous les protestations véhémentes de leurs propriétaires et de nombreux passants, émus. Bousculade. Ambiance lourde.
« Je trouve ça choquant, lâche Louis, qui promène une poussette. Ces gens n’ont que leur chien.» « Scandaleux ! », opine une dame âgée. « C’est dur. Triste. Ça prend le bide. Les chiens étaient tout cool. J’imagine que les policiers ne sont pas très à l’aise non plus », s’attriste Sandrine.
« Un prétexte pour nous casser »
Assez vite, les policiers s’en vont avec les bêtes. Le petit groupe de marginaux se regroupe, agité. « Les chiens, c’est nos enfants, on vit avec », ne décolère pas Mehdi. « On sait qu’un arrêté municipal interdit les regroupements de chiens. Mais tous étaient en règle et attachés, continue de sangloter Cindy. Ils disent qu’on a huit jours pour les récupérer moyennant 89 €. Après, ils les piquent ! Mais comment on paye ? Et comment on va à la fourrière ? C’est à Betton, à des kilomètres ! » Nouvel éclat de larmes : « Il faut faire un truc. Mais pas qu’avec les gens de la zone. Sinon ça s’arrêtera jamais. »
Les marginaux se plaignent de contrôles réguliers. « C’est vrai, les policiers interviennent souvent », confirme Patricia. Cette femme effectue des enquêtes devant les Trois Soleils. « Tous les jours, je vois bien ce qui se passe. Le jour de la Fête de la musique, ils ont déjà embarqué un chien à un gars qui était tout tranquille. » « C’est un prétexte pour nous casser, car on est de la pollution visuelle », tonne Mehdi.
Au commissariat, un officier ne s’en cache pas : « Le but est de les décourager de rester à Rennes. » Pourquoi ? Selon la Ville, une quinzaine de plaintes de riverains et de commerçants excédées ont atterri sur le bureau du maire ces derniers mois, depuis que ce groupe de marginaux, âgés entre 18 et 30 ans, squatte le secteur de Colombia et le square du Roi-Arthur.
« Il faut de la répression »
« Qu’attend la Ville pour réagir ? Qu’un enfant se fasse mordre ? Je ne comprends pas que l’on puisse laisser dégénérer cette situation », dénonce l’une. « Les bruits détruisent nos nuits », tempête une autre. « Aboiements des chiens des heures entières. État d’ébriété permanent. Cris, bagarres… Nous ne supportons plus ces nuisances et nous songeons à déménager du centre-ville », se désespère un entrepreneur installé à côté.
La mairie tient aussi à préciser que « les services sociaux suivent ce groupe de marginaux depuis des mois pour essayer de les faire sortir de la rue. Mais ils se heurtent à un mur. À un moment donné, il faut de la répression pour faire respecter la loi. »
La ville confirme que les zonards ont « huit jours pour récupérer leur animal. Après quoi, il y a effectivement un risque qu’ils soient tués. » Cindy se prend la tête dans les mains. « Nos chiens ne font rien de mal. Pourquoi ? Pourquoi ? »
Yann-Armel HUET. Ouest-France
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