Budapest veut reloger les SDF… en prison

Hongrie Budapest veut reloger les SDF... en prison (fr.myeurop.info)

Hongrie Budapest veut reloger les SDF… en prison (fr.myeurop.info)

Par  Florian Tixier (Paris) – Dossier La Hongrie à la dérive (http://fr.myeurop.info/)

La Hongrie donne un tour de vis à sa politique anti-SDF. Les sans-abris « récidivistes » sont désormais passibles de deux mois de travail forcé en prison. Ou de 480 euros d’amende : soit davantage que le salaire mensuel moyen.

En Hongrie, dormir dans la rue est désormais un délit passible d’une amende de 150 000 forints (480 euros) ou d’une peine de 60 jours de prison. Initiée par des députés du Fidesz, le parti majoritaire du Premier Ministre Victor Orban, la loi a été adoptée sans difficulté par le Parlement hongrois, lundi 14 novembre, et entre en vigueur ce jeudi 1er décembre.

Simultanément, le travail devient obligatoire en prison, et seuls les détenus invalides y échapperont.

Sont visés les sans-abris « récidivistes », pris à dormir dans les espaces publics deux fois en moins de six mois. Une loi anticonstitutionnelle et inhumaine pour les associations, qui dénoncent l’action du gouvernement pour exclure encore plus les sans-abris.

Nous avons déjà été balayés du centre ville, des stations de métro, des forêts et du 8ème arrondissement. Est-ce qu’ils veulent nous expulser complètement du pays ? Où pouvons-nous aller? »,

témoignait Csaba Papp, un sans-abri de Budapest.

Cette loi, qui s’appliquera dans toutes les communes de Hongrie disposant de places en centre d’accueil pour les SDF, est en fait une extension à l’ensemble du pays de mesures expérimentées depuis un an à Budapest. Une politique menée tambour battant par le maire Istvan Tarlos, élu en 2010 au terme d’une campagne qui avait égratigné les SDF.

Quant au rapporteur de la loi, il n’est autre que le très zélé maire du 8ème arrondissement de la capitale, Máté Kocsis, l’un des premiers à avoir appliqué la mesure, faisant arrêter des centaines de personnes en l’espace de quelques semaines. Une politique de harcèlement rondement menée: les sans-abris ont fuit. Et l’organisation de défense des droits civiques TASZ de noter à la mi-novembre que 271 personnes avaient été verbalisées en trois semaines dans la capitale, pour le seul délit de ne pas avoir de domicile.

Entre 20 000 et 30 000 Hongrois sont sans abris, dans un pays qui ne compte, selon l’association de l’Ordre de Malte, que 9 000 places d’hébergement.

Persona non grata

Après les passages souterrains et les stations de métro, ce sont tous les « espaces publics » qui sont interdits aux sans-abris. Pour justifier cette nouvelle décision, les autorités hongroises assurent vouloir ne pas laisser de côté les SDF et les réintégrer dans le système social. Mais en les envoyant en prison pour le simple fait de ne pas avoir de toit, c’est à une criminalisation de la pauvreté qu’elles se livrent.

Car dans un pays où le salaire moyen net est de 450 euros, on comprend bien que la population particulièrement précaire des sans-abris ne sera pas à même de s’acquitter de l’amende: celle-ci est fixée à 480 euros !

Le gouvernement doit s’attaquer au problème de la pauvreté, pas aux pauvres. Cela peut se faire en diminuant les taux de chômage, en garantissant des salaires et des pensions correctes, en introduisant un droit constitutionnel au logement, en augmentant radicalement les subventions pour le logement et en soutenant un réseau significatif de logement sociaux »,

déclarait Attila « Steve » Kopias, militant de l’association A Varos Mindenkié (« Ville pour tous » – AVM), lors d’une manifestation organisée le 17 octobre dernier dans la capitale hongroise.

Demande de retrait de la loi

Ce mouvement a été créé en août 2009 par un groupe de SDF et d’anciens SDF qui se battent pour une société basée sur l’égalité et la justice, en combattant toutes les formes de stigmatisation des personnes pauvres ou marginalisées. Le 18 novembre dernier, ses membres occupaient la mairie du 8ème arrondissement de Budapest pour demander à Máté Kocsis de retirer sa loi.

Les législateurs, la municipalité, le Parlement, tous ont un seul et même but, comme nous l’avons déjà dit des milliers de fois auparavant: personne ne devrait vivre dans la rue, particulièrement l’hiver »,

leur avait opposé le maire du 8ème, arguant que le sans-abrisme ne devait pas être encouragé.

Des arguments développés également par Istvan Tarlos, le maire de Budapest, à l’origine d’une grande partie des mesures d’emprisonnement pour les sans-abris.

Ceux qui pensent que tous les problèmes seraient résolus si l’on donnait des logements aux sans-abris se trompent ».

Le maire de Budapest assure que la ville suit les régulations strictes mises en place par les autres pays européens tels que l’Autriche, la Grande-Bretagne, la France, l’Espagne, l’Allemagne ou encore les Pays-Bas. Des allégations que la Fédération Européenne des Associations Nationales Travaillant avec les Sans-Abris (Feantsa) récuse. L’association demande le retrait d’une loi qui viole les droits humains des personnes sans-abris.

Les députés du Fidesz se contredisent au Parlement européen

Les travaux menés par la Feantsa à travers l’Europe montrent que, bien que la plupart des pays mentionnés appliquent des législations strictes pour les services aux sans abris en matière de financement, de qualité et de soutien, aujourd’hui en Europe, il n’existe aucune législation nationale qui impose des amendes si importantes aux personnes qui dorment dans la rue comme le fait la Hongrie, pas plus que de législation qui les menacent de peines de prison.

En septembre dernier, le Parlement Européen (PE) a adopté une résolution appelant à une stratégie européenne contre le « sans-abrisme ». Une innovation. Les mesures recommandées sont en totale contradiction avec ce que la Hongrie veut mettre en place.

Paradoxalement, la résolution a reçu le soutien de la plupart des eurodéputés hongrois, dont des membres du Fidesz. L’eurodéputée Karima Delli, auteure du Rapport, prenait alors à partie le Commissaire à l’Emploi, aux Affaires sociales et à l’Inclusion, le hongrois Laszlo Andor.

Dans un pays que vous connaissez bien, Monsieur le Commissaire, les sans-abris sont carrément considérés comme des criminels. Il leur est interdit de dormir dans la rue sous peine d’amende, et la police vient les traquer jusque dans les stations de métro ou dans les gares, alors qu’aucun service approprié n’est mis en place pour les accueillir. […] Notre stratégie doit s’articuler autour de cinq grands objectifs : premièrement, la prévention du sans-abrisme ; deuxièmement, la réduction de sa durée ; troisièmement, la concentration des efforts sur les formes les plus graves ; quatrièmement, l’amélioration de la qualité des services destinés aux sans-abris ; finalement, une offre suffisante de logements abordables ».

La société civile, elle, reste mobilisée. L’association A Varos Mindenkié a convoqué une manifestation de protestation cet après-midi, pour tenter de faire annuler la loi.

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